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Cependant, comme les lois de proscription contre les chrétiens n’avaient pas été rapportées, le sort des néophytes restait livré à l’arbitraire des autorités locales, et il y eut quelques martyrs dans les diverses provinces. Dieu voulait rappeler aux fidèles que le repos dont ils avaient joui depuis dix ans, n’était qu’une trêve, qu’ils devaient se considérer comme une armée en pays ennemi, toujours exposée et harcelée, et se tenir prêts en conséquence.

En 1812, à Hong-tsiou, eut lieu le martyre de Paul Ni Ie-sam-i. Exilé pour la foi en 1802, il venait d’obtenir sa grâce et de rentrer dans son pays natal, lorsque, pour des causes que nous ignorons, le mandarin fit saisir quelques-uns de ses parents. Ceux-ci le dénoncèrent, et l’un d’eux même conduisit les satellites au village de Kai-tsi-ki, district de Keum-san, province de Tsien-la, où Paul s’était réfugié ; c’était la troisième fois qu’il tombait entre les mains des persécuteurs. Sa volonté tint ferme dans les supplices ; il répondit avec courage aux diverses interrogations du mandarin, et celui-ci, voyant qu’il ne pouvait le faire apostasier, le condamna à mort. On n’a conservé aucun détail sur les diverses tortures qu’il eut à subir pendant six mois qu’il fut en prison à Hong-tsiou. Plusieurs fois des païens de ses amis l’engagèrent à se conserver la vie par quelques paroles de soumission et de complaisance ; mais il répondit constamment qu’il était décidé à mourir pour Dieu. À la fin, un jour de marché, pendant la onzième lune, le mandarin résolut de se débarrasser de lui, et commanda à deux vigoureux fustigateurs de le frapper avec le bâton triangulaire. Après une longue bastonnade, Paul demeurant étendu sans mouvement, le mandarin dit de voir s’il était encore en vie ; les bourreaux répondirent qu’il était presque mort. Mais soudain, à la grande surprise de tous, Paul se releva, s’assit convenablement sur les talons, ainsi qu’il est d’usage pour une cérémonie solennelle, et demanda de l’eau qu’on lui apporta de suite. Puis, comme il n’était encore que catéchumène, il fit un grand signe de croix, et se versa l’eau sur la tête pour se conférer le baptême[1]. Après quoi, tournant les yeux vers le mandarin stupéfait, il lui dit : « Je suis un grand pécheur, et si vous me battez seulement comme vous l’avez fait, ma mort est encore bien éloignée ; si

  1. Il est inutile de faire remarquer ici que ce prétendu baptême était nul, et qu’on ne peut se baptiser soi-même. Mais Paul était dans la bonne foi. Il ne pouvait manifester d’une manière plus vive son désir du sacrement, et l’Église nous enseigne que, dans le cas d’impossibilité absolue, le désir seul suffit. À plus forte raison, quand au baptême de désir se joint le baptême de sang.