Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/499

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prétorien, et jamais depuis on n’a pu savoir ce qu’elle était devenue. Mieng-siou-ki et son fils subirent avec joie les tortures, et leur foi ne se démentit pas un seul instant. Consumés en peu de temps par la faim et les supplices, ils moururent tous deux, dans cette même prison d’An-tong, vers la troisième lune de l’année 1815. Mieng-siouk-i avait alors cinquante-un ans. Ces deux confesseurs n’ayant été baptisés que pendant la persécution, leur nom de baptême est inconnu. C’était dès lors un usage chez les chrétiens de baptiser, au moment des persécutions, à peu près tous les catéchumènes, afin de ne pas les laisser exposés à mourir sans ce sacrement ; et nous voyons que dans cette même année 1815, le catéchiste Ambroise Kim dont nous parlerons plus loin, donna le baptême à tous ceux qui le demandèrent, qu’ils fussent ou non instruits des vérités de la religion.

Nous devons citer aussi les deux frères T’soi, André et Martin. André T’soi, avait été arrêté le premier, au district de Tsin-po, par les satellites de cette ville. Il resta un mois dans cette prison et y subit quatre ou cinq fois le supplice de la question, sans manquer à la fidélité qu’il devait à Dieu. Transféré ensuite devant le juge criminel d’An-tong, il fit preuve de la même constance et, après des tortures atroces, fut reporté presque mourant à la prison par les geôliers. C’est alors que son frère cadet Martin, qui par dévotion avait fait vœu de chasteté, apprit son arrestation, et vint le trouver pour le consoler et le servir. André était censé recevoir de la préfecture une ration de dix poignées de riz par jour ; mais à cause de la disette, tout était soustrait par les satellites et les geôliers, et presque rien ne lui parvenait. Martin, pour conserver la vie à son frère aîné, se présenta devant le mandarin, lui fit connaître les fraudes dont son frère était victime, et obtint que la ration désignée lui fût remise exactement. Les satellites, furieux de se voir ainsi frustrés de leurs profits illicites, dirent à Martin : « Tu nous as volés, malheureux coquin ; à cause de toi, nous n’y tiendrons pas ; mais ne serais-tu pas chrétien aussi par hasard ? » Martin répondit affirmativement ; les satellites se dirent alors entre eux : « Puisqu’il est chrétien, pourquoi ne pas nous défaire de lui ? Nous ne risquons rien. » Et ils se mirent à le frapper avec les pieds d’une manière atroce, et pendant fort longtemps. Ceci se passait le soir, pendant la troisième lune ; vers la fin de la nuit, Martin expira. Il était âgé de cinquante-six ans. André, resté à la prison, y supporta avec un courage admirable des souffrances et des privations sans nombre, et y mourut de faim, vers la onzième lune de cette même année.