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Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/514

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fut satisfait, et d’un seul coup la tête tomba ; puis, les trois autres hommes furent décapités. Après quoi, le mandarin s’adressant lui-même aux deux femmes, voulut encore essayer de les ébranler et leur dit : « Ces hommes viennent d’être mis à mort, mais vous autres femmes, pourquoi voulez-vous mourir ? Comparée à la leur, votre faute est légère. Allons, il est temps encore, dites seulement un mot, et je vous fais mettre en liberté. « Anne répondit : « Comment pouvez-vous à ce point méconnaître les principes ? D’après vous, les hommes doivent honorer Dieu leur père suprême, et les femmes ne devraient pas l’honorer ! De nombreuses paroles sont inutiles. J’attends seulement que vous me traitiez selon les lois. » Puis toutes deux, comme d’une seule voix, s’écrièrent : « Quand Jésus et Marie nous appellent et nous invitent à monter de suite au ciel avec eux, comment pourrions-nous apostasier, et, pour conserver cette vie passagère, perdre la vraie vie et le bonheur éternel ? » Aussitôt l’ordre fut donné, et elles eurent aussi la tête tranchée. « D’où l’on peut voir, ajoute l’auteur de la notice, que quoique appartenant au sexe faible, elles surent montrer une fermeté toute virile, et, par l’offrande de leur vie, rendre un témoignage éclatant à la gloire de Dieu. » Ainsi se consomma le long martyre de ces illustres confesseurs. C’était le 1er de la onzième lune de l’année pieng-tso (1816), à Tai-kou, capitale de la province de Kieng-siang. François Rim avait cinquante-deux ans ; Anne Ni, trente-cinq ans ; et Barbe T’soi, quarante ans. On ignore l’âge des autres.

Par ordre du mandarin, les corps furent soigneusement ensevelis dans le voisinage du lieu de l’exécution, et recouverts d’une couche de terre assez légère ; chacun avait son inscription. Les parents des martyrs et autres chrétiens habitant loin de là, s’entendirent ensemble pour les faire transporter dans un endroit à part, et le 4 de la troisième lune de l’année suivante, une dizaine d’entre eux se rendirent sur les lieux. On voulait faire la translation sur la chute du jour, et on craignait d’être vu par les habitants du voisinage. En ce moment, par un effet particulier de la protection de Dieu, un nuage noir couvrit le côté de la ville où étaient les corps. Le ciel semblait abaissé, et le brouillard était si épais que, bien que les lampes donnassent une lumière suffisante aux travailleurs, les personnes qui demeuraient tout près de là ne pouvaient les voir. On découvrit les corps. Celui de Barbe T’soi avait été enlevé et dévoré par quelque animal. Les six autres étaient entiers, nullement corrompus, et semblaient n’être sans vie que depuis quelques instants. Le peu d’odeur qui s’en exhala,