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leurs devoirs religieux, et attendant avec patience l’accomplissement de la volonté divine. C’est alors surtout que Thérèse fit paraître sa force d’âme et son ardent amour de Dieu. Toujours gaie et heureuse, elle faisait sa joie des souffrances, conservait un visage calme et serein, et semblait pour les autres un ange consolateur. Elle disait souvent : « À moi pécheresse, Dieu avait déjà bien voulu accorder la trop grande faveur de garder la virginité, et voici qu’il daigne encore m’appeler au bienfait du martyre. C’en est trop. Comment pourrais-je le remercier dignement ? » Un jour son mari, dans une tentation de découragement, lui dit que de tels supplices n’étaient plus supportables. Aussitôt Thérèse s’efforça de le ranimer, avec ces paroles énergiques et insinuantes qu’elle savait si bien trouver dans son cœur. « Si vous manquez cette belle occasion, ajouta-t-elle, et que vous conserviez la vie, que pouvez-vous donc espérer de si beau dans le monde ? Ne vaut-il pas mille fois mieux que nous soyons martyrs ensemble, le même jour, pour Dieu ? » Depuis ce temps, Pierre ne fut plus ébranlé. Il écrivit même, de sa prison, plusieurs lettres pleines des plus beaux sentiments de foi, et qui édifièrent beaucoup ceux qui en prirent lecture. Malheureusement, aucune de ces lettres n’est parvenue jusqu’à nous. Le détail des supplices que les prisonniers eurent à subir à différents intervalles est également perdu. Nous savons seulement que, fermes jusqu’à la fin, ils méritèrent de donner leur vie pour Jésus-Christ et furent tous trois décapités, à la capitale, le 21 de la cinquième lune[1] de l’année kei-mio (1819), après vingt-sept mois de prison. Pierre avait alors trente-trois ans, Thérèse trente-six ans, et Barbe-Madeleine plus de soixante ans. Une chrétienne qui vivait encore il y a quelques années, vit le corps de Thérèse après son exécution ; il portait les traces de trois coups de sabre, et lui parut d’une beauté merveilleuse. Les corps de ces martyrs ne purent être recueillis qu’un mois après ; il ne restait plus que les ossements. La chevelure de Thérèse, déposée en désordre dans un panier d’osier, fut conservée chez Sébastien Nam, martyr en 1839, et plusieurs témoins ont attesté que lorsqu’on ouvrait le panier, il en sortait un parfum qui embaumait toute la chambre.

C’est ainsi que les deux époux, Pierre et Thérèse, eurent le bonheur d’être unis dans la mort comme dans la vie, de joindre le lis de la virginité à la palme du martyre. C’est la seconde

  1. D’après le témoignage de Brigitte T’soi, leur martyre n’aurait eu lieu que trois semaines plus tard, le 13 de la sixième lune.