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fois que nous rencontrons en Corée ce fait remarquable, rare d’ailleurs dans l’histoire de l’Église. Que ne doit-on pas attendre d’un peuple chez qui la religion, à peine établie, imparfaitement connue, sans prêtres, sans sacrements, sans sacrifices, produit néanmoins de telles âmes et fait de pareils prodiges !


Les trois martyrs précédents ayant refusé de faire aucune dénonciation, personne ne fut compromis dans leur procès, et il n’y eut pas alors d’autres arrestations à la capitale. Mais nous avons à en mentionner quelques-unes dans les provinces. En 1817, à la dixième lune, les satellites de Haï-mi, on ne sait à quelle occasion, se présentèrent subitement au village de Pai-na-tari, district de Tek-san, et enchaînèrent un certain nombre de chrétiens, qu’ils conduisirent à Haï-mi. Cette persécution, qui ne s’étendit pas au delà de quelques districts voisins, ne nous est pas connue dans ses détails. Les mémoires du temps sont presque muets, et les témoignages que l’on a pu recueillir laissent à désirer par leur manque de précision. Cela tient principalement à ce qu’il n’y eut pas d’exécution capitale ; car les chrétiens, dans leurs relations écrites, s’occupent généralement beaucoup plus des martyrs mis à mort par la main du bourreau, que de ceux qui périssaient tout aussi glorieusement dans les prisons ou sur la route de l’exil. Peut-être aussi la position isolée de Haï-mi et le peu d’importance relative du procès ont contribué à l’oubli dans lequel est tombée cette affaire. Il n’y eut qu’une trentaine de chrétiens arrêtés, et la plupart achetèrent immédiatement leur liberté par l’apostasie. Quelques autres restèrent fermes, et eurent la grâce de persévérer jusqu’à la mort. Voici ce que l’on sait de plus certain sur les principaux d’entre eux.

Pierre Min Tsiem-tsi, natif du district de Kiel-sieng, avait toujours fait sa principale occupation d’instruire et d’exhorter les autres chrétiens. Après avoir habité quelques années à Soiak-kol, au district de Mok-tsien, il émigra à Pai-na-tari, et se mit de suite, selon sa coutume, à catéchiser les gens de ce village. Sa charité et l’exemple de ses vertus lui attirèrent bientôt l’estime et l’affection de tous. Pris à la dixième lune, il ne se laissa ébranler ni par les supplices, ni par la défection de ses compagnons de captivité. Une de ses belles-sœurs, nommée Anne, qui était veuve depuis quelque temps, fut arrêtée avec lui et imita son courage. Après environ deux mois de souffrances, tous deux moururent de faim en prison. Ils avaient l’un et l’autre plus de soixante ans. Une tradition rapporte qu’Anne avait six doigts à une main.