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devait partir avant le jour, lorsque cette nuit-là même, au chant du coq, les satellites de Tsien-tsiou firent irruption dans le village, entourèrent la maison de Pierre Sin, et le déclarèrent prisonnier. Pierre, voyant les lettres de police venues de la préfecture de Tsien-tsiou, province différente de la sienne, refusa d’abord de les suivre, mais il dut aller avec eux chez le mandarin du district qui, après avoir visé les pièces, le remit aux satellites. Ceux-ci eurent à retourner chez Pierre, avec des prétoriens de la ville de Siang-tsiou, pour procéder à l’arrestation selon les formes légales.

Dans la route ils rencontrèrent une bande de leurs compagnons, envoyés pour arrêter les chrétiens d’un autre village. Dès qu’ils se virent de loin, ils se mirent à sauter et à frapper des mains, puis se félicitèrent de l’heureux succès de leur expédition, et manifestèrent leur joie par de copieuses libations. La nuit étant venue, force fut de s’arrêter en route dans un village. Là, ils se firent donner par menaces et de vive force du vin, du riz, des poules, etc., et passèrent la nuit en fête, aux frais des pauvres habitants. Arrivés à la maison de Pierre, les satellites de Tsien-tsiou voulaient la livrer au pillage, mais ceux de l’endroit les en empêchèrent, et prirent note de tous les objets qui s’y trouvaient, pour le cas où l’on réclamerait quelque chose. Après quoi on se mit en route, et, le quatrième jour, on fit halte sur le territoire de Tsien-tsiou, non loin de la ville. Pendant qu’on se préparait à passer la nuit, arriva dans le même lieu une troupe de chrétiens montés sur des bœufs ou des chevaux et escortés par des satellites. C’étaient de pauvres prisonniers qui, mis à la question, avaient reconnu posséder des livres de religion. Comme ils ne pouvaient marcher, par suite des tortures, on les envoyait de la sorte chercher leurs livres, pour les apporter au tribunal. Pierre passa la nuit avec eux, et pendant que tous les gens du prétoire étaient à boire, jouer, crier, chanter et se disputer dans la cour, il s’informa de l’état des choses, et apprit que parmi les livres dénoncés, beaucoup étaient écrits de sa propre main. Il devenait donc inutile pour lui de chercher à dissimuler plus longtemps le fait. Le lendemain on se sépara, et bientôt après, arrivé à la ville, Pierre fut conduit au juge criminel.

C’est lui-même qui nous fait connaître tous ces détails, dans les mémoires qu’il écrivit plus tard dans sa prison, sur la demande d’un missionnaire, M. Chastan. Laissons-le maintenant raconter son procès.

« Le juge me demanda d’abord : « Es-tu noble ? — Je répon-