Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/553

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tais plus au tribunal criminel. Le mandarin de mon district paraissait irrité, mais tous les autres avaient un air affable. Ils me regardaient avec compassion, et semblaient regretter les affreux supplices auxquels j’avais été soumis. Leurs valets eux-mêmes ne poussaient pas de vociférations, et parlaient à voix modérée. Ce ne semblait plus un tribunal, mais une maison particulière. Je répondis avec d’autant plus de respect : « On défend notre religion, pour cela seul qu’elle vient d’un autre royaume. Mais partout je vois chez vous des objets venus de contrées étrangères : livres, habillements, meubles, etc… — Ce sont des objets dont on se sert dans tous les pays, il n’y a donc nulle raison pour les prohiber. Mais, en fait de doctrine, Confucius et Meng-tse ne sont-ils pas suffisants ? — Pour les maladies du corps, quand avec les médecines de notre pays on n’obtient pas d’effet, on a recours aux médecines de Chine, qui souvent opèrent la guérison. Chaque homme a les sept vices qui sont autant de maladies de l’âme. Or, sans notre religion, on ne peut les guérir. Ce n’est pas que j’ignore la doctrine de Confucius et de Meng-tse, mais, vous le savez comme moi, dans les temples de ces sages ou d’autres semblables, on se bat pour une écuelle de riz ou un morceau de viande, en proférant même des injures grossières ; non-seulement on s’inquiète fort peu de la doctrine et des actions de ces sages, mais souvent on les insulte, et leurs temples, au lieu d’être des écoles de vertu, deviennent des écoles de désordre. Il n’y a que peu de personnes qui sachent se contenir, au moins à l’extérieur, et garder un peu les convenances, et encore dans le fond du cœur, elles n’en restent pas moins mauvaises. Notre doctrine, au contraire, règle tout d’abord l’intérieur, redresse les sept passions, dirige par le moyen du Décalogue l’extérieur aussi bien que l’intérieur. Elle est, de fait, le perfectionnement des doctrines de Confucius et autres. — Si tu dis vrai, elle ne serait pas perverse, mais puisque le roi la prohibe, diras-tu que le roi a tort[1] ? — De même qu’il n’y a qu’un soleil au ciel, vous voulez qu’il n’y ait qu’une seule doctrine dans le royaume ; c’est bien. Maintenant qu’à côté de la doctrine des lettrés se présente celle du Maître du ciel, le roi n’a peut-être pas tort de la prohiber momentanément jusqu’à ce qu’on ait fait la distinction du vrai et du faux ; mais, d’autre part, celui qui suit notre religion laquelle par

  1. Nous avons déjà fait remarquer que, dans ce pays, par respect pour le roi, on ne peut jamais dire qu’il a tort. C’est pour cela que les chrétiens, devant les tribunaux, éludent toujours cette question ou d’autres analogues.