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d’un chrétien. Au contraire, il remerciait Dieu de les avoir tous appelés à lui, pendant qu’ils étaient dans de bonnes dispositions pour mourir. Après que sa famille eut été ainsi éteinte, et sa petite fortune dissipée, il n’en fut que plus assidu à la prière ; il chercha et trouva dans la pratique de la vertu la seule véritable consolation. L’égalité d’âme, la calme et franche résignation avec lesquelles il supportait ses malheurs, faisaient l’admiration de tous.

Il s’était retiré à la capitale depuis quelque temps, chez son neveu André, quand il fut pris à l’improviste dans sa maison, comme nous l’avons dit. Le juge criminel après avoir entendu sa confession de foi, touché peut-être de pitié pour ses cheveux blancs, lui promit la vie, pourvu qu’il prononçât une parole d’apostasie. Le confesseur refusa hautement. « Qui es-tu donc, reprit le juge, pour vouloir ainsi enfreindre les défenses du roi ? » Et en même temps, il le fit mettre à la question, mais en vain. Pierre resta ferme et fut envoyé à la prison, où il eut beaucoup à souffrir de l’insolence et de la cruauté des geôliers. Il avait été pris sans qu’on eût trouvé en sa possession aucun objet religieux, ce qui rendait son élargissement plus facile ; mais, désirant la mort plus qu’il ne la craignait, et voulant tirer d’embarras autant que possible les chrétiens arrêtés avec lui, il leur suggéra de le désigner comme propriétaire de tous les objets qui avaient été saisis. Nous avons vu souvent en effet, dans de pareilles circonstances, les meilleurs chrétiens assumer ainsi sur eux la responsabilité des objets de religion appartenant à d’autres, soit pour éviter les dénonciations compromettantes que la possession de ces objets provoque de la part des faibles, soit pour diminuer, à leurs propres risques, le fardeau de leurs compagnons de captivité. Ils ignoraient certainement que le mensonge est absolument défendu par la loi de Dieu, dans ce cas comme dans tous les autres, et leur bonne foi aussi bien que leur charité auront été leur excuse.

On fit donc passer Pierre, selon sa demande, pour propriétaire des objets saisis, ce qui lui attira des interrogatoires plus longs, et des tortures plus multipliées. Dans la suite, le juge, soupçonnant quelque fraude, dit que ces objets n’appartenaient réellement pas a Pierre, mais celui-ci se récria fortement et maintint sa première affirmation. Après plusieurs interrogatoires au tribunal des voleurs, Pierre, toujours inébranlable fut transféré au tribunal des crimes. Là encore, il refusa énergiquement de racheter sa vie au prix de sa foi, et eut à subir de nouveaux supplices.