Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/172

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une apostasie formelle. En quelques jours, tous, sauf trois, furent mis en liberté, et le juge arriva à son but, qui était de se débarrasser d’eux aussi rapidement que possible. François et sa femme, dont la fermeté était demeurée inébranlable, et qui d’ailleurs étaient trop compromis par le fait d’avoir envoyé leur fils à l’étranger, furent déposés à la prison ; et avec eux une courageuse chrétienne nommée Emérence Ni, qui avait imité leur constance.

Donnons ici quelques détails sur ces deux dignes servantes de Jésus-Christ. La femme de François T’soi, Marie Ni, née au district de Hong-tsiou, était de la famille de Louis de Gonzague Ni, martyr en 1801. Mariée à l’âge de dix-huit ans, elle suivit François à la capitale et dans ses autres émigrations, et partagea toutes ses souffrances, avec le plus entier dévouement. Jamais aucune plainte, aucun murmure ne sortit de sa bouche. Plus d’une fois, dans les montagnes, elle vit ses jeunes enfants épuisés de faim et de fatigue. Maîtrisant alors les angoisses de son cœur maternel, elle savait trouver des paroles d’encouragement, leur rappelait la brièveté de cette vie, l’éternité de la vie future, et leur mettait sous les yeux les exemples de N. S. Jésus-Christ. Au tribunal des voleurs, elle eut à subir des tortures atroces ; on la frappa de plus de trois cents coups de bâton ; mais elle ne faiblit pas un instant devant le mandarin, et fut reconduite à la prison. C’est seulement alors que, voyant près d’elle ses cinq enfants qu’elle allait laisser seuls et sans soutien, elle sentit ses entrailles maternelles vivement émues, et s’imaginant qu’elle devait, coûte que coûte, se conserver la vie pour ne pas les exposer au danger de perdre leur âme, elle eut la faiblesse de prononcer un mot d’apostasie. Malgré cela, elle ne fut pas relâchée, mais transférée au tribunal des crimes. Tous les chrétiens l’exhortèrent à réparer sa faute, et Dieu donnant l’efficacité à leurs paroles, elle fit franchement sa rétractation devant le juge qui, désappointé et furieux, la fit battre plus violemment que jamais. Mais elle trouva des forces dans son repentir, et, pour se mettre à l’abri d’une tentation trop dangereuse, elle renvoya ses enfants en leur disant : « Allez tous maintenant. N’oubliez jamais Dieu et la Vierge Marie. Vivez en bonne intelligence. Quelques difficultés que vous rencontriez ne vous séparez pas, et attendez le retour de votre frère aîné[1]. » Dès lors, elle fut plus tranquille, et accepta avec résignation la mort du plus jeune de ses fils nommé

  1. Pour réaliser le vœu de leur mère, les quatre frères s’établirent ensemble quelque temps dans un village ; et leur frère, le P. Thomas T’soi, à son retour, alla pendant deux ans fixer sa demeure parmi eux.