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Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/175

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chrétiens qui, tout consternés, l’entouraient et le suppliaient de leur sauver la vie, il prit la résolution de se livrer. Ceci se passait dans la nuit du 10 août, fête de saint Laurent, patron du saint évêque. Le matin, il célébra la messe pour la dernière fois, et écrivit à MM. Maubant et Ghastan la lettre suivante :


« J. M. J. 11 août. Mes chers confrères, Dieu soit béni ! et que sa très-sainte volonté soit faite ! Il n’y a plus moyen de reculer. Ce ne sont plus les satellites qu’on envoie à notre recherche, mais les chrétiens. André Tsieng est arrivé à une heure après minuit. On lui a raconté les plus belles merveilles, et le pauvre homme a promis de m’appeler. Cependant cachez-vous bien, jusqu’à nouvel avis, si je puis vous en donner. Priez pour moi.

« Laurent-Joseph-Marie Imbert, évêque de Capse. »


Il fit ensuite un petit paquet de ses habits et de quelques objets nécessaires, défendit que personne l’accompagnât, et se mit en marche pour se rendre au lieu où le traître attendait. À quelque distance plus loin, il rencontra les cinq satellites, et obtint d’eux que le pauvre André qui voulait le suivre fût renvoyé dans sa famille. En route, Mgr Imbert annonça la parole de Dieu aux satellites, et à une vingtaine d’autres personnes que la curiosité avait attirées sur son passage.

On le dirigea de suite vers la capitale. Arrivé aux portes de Séoul, il fut lié de la corde rouge, dont on se sert pour garrotter les criminels d’État, et remis entre les mains du grand juge qui le fit déposer d’abord à la prison des voleurs, auxquels le prélat eut, comme son divin Maître, la honte d’être assimilé. Les interrogatoires commencèrent de suite ; malheureusement nous en savons fort peu de chose. On fit subir à Mgr Imbert le supplice de la courbure des os, pour qu’il dénonçât la retraite des autres Européens, puis on lui demanda : « Pourquoi êtes-vous venu ici ? — Pour sauver des âmes. — Combien avez-vous instruit de personnes ? — Environ deux cents. — Reniez Dieu. » À cette parole, l’évêque, frémissant d’horreur, éleva fortement la voix et répondit : « Non, je ne puis renier mon Dieu. » Sachant bien qu’il n’en pourrait rien obtenir, le juge le fit reconduire à la prison, après les bastonnades d’usage.

Ne pouvant rendre compte en détail de tous les interrogatoires qu’eurent à subir les nombreux chrétiens, arrêtés quelques jours avant Mgr Imbert, nous dirons quelques mots seulement des