Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/176

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trois prisonniers les plus importants : Paul Tieng, Augustin Niou, et Charles Tsio. Ils étaient clairement connus pour les introducteurs des étrangers en Corée, et avaient été dénoncés et saisis comme tels ; toutefois, dans les premières séances, les mandarins ne purent leur arracher un seul mot à ce sujet. Ce ne fut qu’après l’arrestation de l’évêque qu’ils parlèrent librement de tout ce qui s’était passé.

Paul Tieng, compagnon fidèle du prélat, ne l’avait pas quitté un instant pendant son séjour à la capitale, mais quand Mgr Imbert se fut réfugié en province, Paul dut rester pour garder la maison. Prévoyant bien que les satellites ne tarderaient pas à paraître, il prépara, de concert avec quelques autres chrétiens, une apologie de la religion pour la présenter aux mandarins, ce qu’il fit le lendemain de son arrivée en prison. Trois jours après, il subit son premier interrogatoire devant le grand juge criminel, qui lui dit : « Pourquoi ne suis-tu pas les usages de ton pays, et non content d’avoir adopté toi-même la religion d’un royaume étranger, veux-tu encore en infatuer les autres ? — Tous les jours, » répondit Paul, « nous recevons pour notre usage les objets précieux des pays étrangers ; est-il juste de rejeter la religion chrétienne, la religion véritable, par cela seul qu’elle vient d’un autre royaume ? Tout homme, quel qu’il soit, n’est-il pas tenu de la pratiquer ? — Tu loues exclusivement la religion des étrangers ; prétends-tu donc que le roi est coupable de la prohiber ? — À cela je ne veux rien répondre, je n’ai qu’à mourir. » Le juge lui demanda l’explication détaillée de son apologie, puis il lui dit : « Tes paroles seraient-elles justes, tu as tort de réunir le peuple pour lui enseigner ce que le roi défend. » Et en même temps il lui fit broyer les bras et les jambes à coups de bâton, et le renvoya à la prison. Ces supplices atroces furent renouvelés dans six interrogatoires successifs. Au troisième, il fut confronté avec l’évêque, et au sixième il fut tourmenté plus violemment encore, parce qu’on voulait à tout prix connaître le lieu de retraite des prêtres.

Augustin Niou, au moment de son arrestation, avait eu à soutenir, de la part de ses proches, un assaut pénible pour la nature. Son frère aîné et beaucoup de ses parents païens rassemblés le conjuraient de dire seulement un mot afin de demeurer libre ; mais il eut la force de repousser cette tentation et fut conduit devant le juge criminel. Celui-ci essaya d’abord de l’amener à l’apostasie par de douces paroles, mais voyant qu’Augustin ne l’écoutait pas, il le fit garrotter et lui dit : « Toi qui reçois des