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seulement que pour leur faire dénoncer quelques chrétiens, on les frappa, à trois reprises, de la planche à voleurs, sans pouvoir leur arracher une parole, « Retournez maintenant dans votre patrie, » leur dit le juge. — « Nous ne voulons pas, » répondirent-ils ; « nous sommes venus pour le salut des âmes des Coréens, et nous mourrons ici sans regret. » Reconduits à la prison, ils y furent pendant quelque temps gardés à vue jour et nuit. Puis on les transféra au Keum-pou, prison des dignitaires et des criminels d’État. Pendant trois jours, ils y subirent de nouveaux interrogatoires devant les principaux ministres. C’est là qu’ils furent confrontés avec Paul Tieng, Augustin Niou et Charles Tsio, et tous ensemble torturés de différentes manières. L’évêque et les prêtres reçurent chacun soixante-dix coups de bâton, avant qu’on prononçât leur sentence de mort. Le jour de l’exécution fut fixé au 14 de la huitième lune, qui, cette année, correspondait à la fête de l’apôtre saint Matthieu, 21 septembre. Déclarés criminels au plus haut degré, ils devaient être mis à mort avec le cérémonial extraordinaire appelé koun-moun-hio-siou. En pareil cas, le lieu de l’exécution n’est plus en dehors de la petite porte de l’Ouest, mais dans un endroit plus éloigné, nommé Sai-nam-to, non loin du fleuve.

Le jour venu, on les conduisit au supplice, sur des chaises à porteur, les mains liées derrière le dos, au milieu d’un cortège de plus de cent soldats. À l’endroit fixé, on avait planté un pieu au sommet duquel flottait un étendard, portant la sentence des condamnés. À peine arrivés, ils sont dépouillés de leurs vêtements ; on ne leur laisse que le pantalon. Puis les soldats leur attachent les mains devant la poitrine, leur passent sous les bras de longs bâtons, leur enfoncent deux flèches de haut en bas à travers les oreilles, et, leur jetant de l’eau au visage, les saupoudrent d’une poignée de chaux. Ensuite, six hommes, saisissant les bâtons, font faire trois fois aux martyrs le tour de la place, pour les livrer aux dérisions et aux grossières moqueries de la foule. Enfin on les fait mettre à genoux, et une douzaine de soldats courent autour d’eux le sabre au poing, simulant un combat, et leur déchargent, en passant, chacun un coup de sabre.

Le premier coup que reçut M. Chastan n’ayant fait qu’effleurer l’épaule, il se leva instinctivement et retomba aussitôt à genoux. Mgr Imbert et M. Maubant restèrent immobiles. Les têtes ayant été abattues, un soldat les posa sur une planche, et les présenta au mandarin, qui partit de suite pour donner à la cour avis de l’exécution.