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Cette persécution de l’année kei-hai (1839-40) est, à proprement parler, le second acte de la sanglante tragédie commencée en l’année sin-ion (1801-2). En effet, bien que la religion ait toujours été, dans ce pays, poursuivie et proscrite, bien qu’à d’autres époques il y ait eu des redoublements de haine sauvage contre les chrétiens, c’est à ces deux dates surtout que le gouvernement coréen travailla d’une manière plus systématique, plus complète et plus cruelle, à anéantir le christianisme dans tout le royaume.

Ces deux grandes persécutions se ressemblent dans leur nature et dans leurs effets ; mais il y a dans leurs causes une différence notable. En 1801, les rancunes politiques étaient mêlées aux préjugés de religion ; les ennemis du christianisme cherchaient à abattre le parti dominant des Nam-in, autant qu’à détruire l’Évangile. De toutes parts, les nobles, les grands dignitaires signaient des adresses au roi contre la nouvelle doctrine et ses sectateurs, et un grand nombre de mandarins, en les poursuivant, obéissaient autant à leurs propres sentiments de haine qu’aux ordres de la cour. En 1839, nous ne voyons plus, parmi les confesseurs, de personnages haut placés, dont le pouvoir ou les richesses pussent exciter la jalousie, dont la chute pût être un triomphe pour leurs adversaires. Il y a bien encore quelques nobles, mais ce sont les descendants de familles ruinées, proscrites et désormais sans puissance. Aussi, excepté certains parents de la reine T’sio, du ministre Ni Tsien-i, etc., et quelques autres individus isolés qui montrent un acharnement personnel contre le christianisme, la noblesse en masse reste à peu près indifférente aux mesures prises par le gouvernement, tandis que les mandarins se contentent d’exécuter les décrets royaux et souvent même en adoucissent la rigueur.

La persécution de 1839 fut plus générale qu’aucune des précédentes. Toutes les chrétientés furent bouleversées ; et les chrétiens qui échappèrent à l’emprisonnement perdirent, par le pillage ou l’émigration forcée, tout ce qu’ils possédaient. Les arrestations furent très-nombreuses dans la province de Kang-ouen ; il y en eut plus de cent dans celle de Tsien-la, plus de cent aussi dans celle de T’sioung-t’sieng ; mais c’est surtout à la capitale, et dans la province dont la capitale est le chef-lieu, que l’orage éclata avec une violence inouïe. C’est là aussi que les néophytes firent le plus d’honneur à la religion par leur courage et leur persévérance ; toute proportion gardée, c’est à la capitale qu’il y eut le plus de confesseurs et de martyrs.