Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/351

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ils auraient eu enfin le bonheur d’entrer dans leur mission, car des courriers chrétiens envoyés par Mgr Ferréol les y attendirent pendant tout l’été ; mais Dieu voulait encore exercer leur patience.

Dans les premiers mois de l’année suivante, ils risquèrent une nouvelle tentative. Embarqués sur un petit navire de Macao, ils firent voile vers l’île de Pe-lin-tao, au nord de la Corée, là où André Kim fut arrêté lorsqu’il cherchait à établir une voie de communication avec la Chine. Une barque coréenne devait venir les y attendre pour les transporter ensuite sur la presqu’île. Dans la traversée, ils furent battus par une tempête furieuse ; la mer enleva leurs ancres, et leur navire fut plusieurs fois sur le point d’être englouti, ils arrivèrent néanmoins sur les côtes de Corée, et après de longues recherches, trouvèrent l’île du rendez-vous, mais aucune barque chrétienne ne se présenta. Comment expliquer ce contre-temps ? peut-être les chrétiens qui venaient à leur rencontre avaient été arrêtés : peut-être le gouvernement coréen, irrité par les lettres des Français, avait commencé une nouvelle persécution contre les fidèles. Malgré leurs instances, le capitaine du navire ne consentit pas à rester longtemps sur cette côte inhospitalière. Après quelques jours il reprit la route de Chine, et M. Maistre et Thomas se trouvèrent encore une fois à Chang-haï.

Il semble qu’un si grand nombre d’expéditions infructueuses auraient dû décourager, ou au moins ébranler, la constance du missionnaire et du diacre coréen ; mais Dieu, pour qui ils travaillaient, soutenait leur courage. Au milieu de si longues tribulations, le calme et l’aménité de M. Maistre ne se démentirent jamais un instant, au point que certains hommes, qui ne pouvaient comprendre tant de vertu, l’accusèrent de ne pas désirer sérieusement d’entrer en Corée. Quant à Thomas, les lettres qu’il écrivait alors sont pleines des sentiments de la résignation la plus touchante : « Voilà que je vous écris encore de la terre d’exil, » dit-il à M. Legregeois, directeur du séminaire des Missions-Étrangères ; mes vœux ne se sont pas réalisés. Il est certainement pénible pour votre paternité d’entendre toujours parler d’expéditions malheureuses, et il est triste pour moi d’avoir toujours à en raconter de nouvelles. Mais que pouvons-nous chercher en dehors du bon plaisir de Dieu ? Aussi, lorsque nos projets ne réussissent pas, nous ne croyons pas que tout est perdu : car ce n’est pas pour un homme mortel, ou pour nous-mêmes, que nous avons du zèle et que nous travaillons, mais c’est pour Dieu qui voit le fond du cœur et qui n’a pas besoin de nos services, pour