Aller au contenu

Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/381

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

missionnaires avaient-ils tourné la pointe de cette île, qu’ils reconnurent le chemin tortueux que les naufragés français avaient tracé sur le penchant rapide de la montagne ; puis, un peu plus loin dans la mer, la carcasse d’un navire contre lequel leur jonque allait se heurter. Ils jetèrent donc l’ancre de nouveau ; c’était bien là l’île du Camp, où ils étaient directement arrivés sans le savoir, la divine Providence les y ayant conduits comme par la main. La nuit vint les surprendre au pied de l’île dont ils se réjouissaient d’avoir sitôt fait l’heureuse découverte.

« Le lendemain, dès le point du jour, ils descendirent à Ko-koun-to, moins pour visiter les débris du naufrage (car il ne restait plus, grâce à la probité des Coréens, aucun vestige de tous les objets confiés à leur garde), que pour examiner de là tous les endroits du continent, éloigné encore de plus de cinq lieues, et choisir le point le plus propre et le plus favorable à la descente que l’on voulait tenter la nuit suivante. Les deux explorateurs avaient à peine regagné leur jonque, qu’arriva près d’eux le mandarin inquisiteur de la veille. Comme il avait refusé d’indiquer l’île du Camp, le P. Hélot lui refusa sévèrement aussi, sous ce prétexte, l’entrée de sa barque, lorsque le gardien des côtes lui fit répondre que, selon les coutumes de son royaume, il venait uniquement lui faire une visite de politesse. « À ce titre, » répartit le prétendu mandarin français, « tu peux monter à mon bord ; car sache qu’en ce point nous ne le cédons à personne ; mais sache aussi qu’il ne t’est pas permis de parler d’affaires ; je puis maintenant sans toi me livrer à mon enquête et remplir ma mission. » Un gracieux échange de politesses s’étant fait entre eux, le mandarin s’en retourna au petit village de Ko-koun-to, tandis que les deux missionnaires se réjouissaient de voir bientôt arriver la fin du jour, pour avancer leur barque plus près de terre et opérer le débarquement qui devenait de plus en plus pressant et difficile.

« Mais voici que, sur ces entrefaites, s’éleva soudain un vent épouvantable qui bouleversa les eaux jusque dans leur profondeur ; le temps devint affreux et les vagues si grosses et si houleuses, qu’il était impossible au petit canot de tenir la mer et même à la jonque de résister à la tempête au milieu des écueils qui l’environnaient de toutes parts. Cependant les matelots chinois, si peureux d’habitude, mais cette fois encouragés par l’exemple des missionnaires, jurèrent qu’ils conduiraient, malgré tout, M. Maistre et son compagnon à la côte. On mit donc à la voile pour s’en rapprocher, lorsqu’on se sentit tout à coup empêché par un énorme banc de sable qui barrait partout le chemin. « N’importe,