Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/382

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dirent les nautoniers chinois, nous surmonterons aussi ce nouvel obstacle ; attendons la haute marée, et nous essayerons de passer. » On attendit en effet la crue des eaux, et lorsqu’elle fut jugée suffisante, on louvoya toute la nuit sur l’écueil que l’on finit par franchir ; on alla jeter l’ancre à une lieue de terre, le plus près que l’on put, et durant toute la journée qui suivit, il fut impossible de lancer le petit canot de transport sur les vagues écumantes de cette mer en courroux.

« Ce jour de cruelle attente s’écoula sans voir finir ou diminuer la tempête ; et bientôt aux affreux brouillards de la journée vinrent s’ajouter les ténèbres de la nuit. Heureusement que le mandarin aussi était retenu sur la petite île de Ko-koun-to, d’où il n’avait pu sortir, soit pour revenir à la barque étrangère, soit pour aller au continent donner des ordres. Enfin vers minuit, le ciel s’étant éclairci et le vent considérablement apaisé, la fureur des vagues se calma ; c’était le jour du Seigneur, 29 août, qui commençait à poindre. Alors M. Maistre revêtit à la hâte son pauvre costume coréen, au milieu du religieux étonnement des gens de l’équipage ; après quoi, il descendit avec le néophyte dans le petit canot que quatre vigoureux chinois dirigèrent silencieusement vers la rive indiquée, au moyen d’un bambou pour mât et d’une natte pour voile ; car ils craignaient trop que le bruit des avirons ne réveillât les pêcheurs endormis sur le rivage. En effet, de nombreuses cabanes étaient échelonnées tout le long de la côte ; personne heureusement ne bougea, et la descente put s’opérer en sûreté et sans crainte. Aussitôt notre cher confrère, précédé de son guide, et portant comme lui sur son dos un petit paquet des choses les plus nécessaires, se mit à gravir le sentier escarpé des montagnes, derrière lesquelles il disparut rapidement.

« Pendant ce temps-là, le P. Hélot, son généreux pilote, était resté sur la jonque où le petit canot vint le retrouver, accompagnant encore de ses vœux le missionnaire coréen pour le succès duquel il n’avait pas craint d’affronter tant de dangers. Le soleil avait depuis peu chassé les ténèbres de la nuit, complices de la pieuse fraude, que déjà l’insupportable gardien des côtes se dirigeait de nouveau vers la mystérieuse barque étrangère. Pour éviter ses visites de plus en plus compromettantes, le P. Hélot lui refusa impitoyablement l’accès de son bord. Le mandarin, ne pouvant rien obtenir et probablement assiégé de soupçons, se rendit de là à un gros village du continent, d’où partirent aussitôt un grand nombre de barques qui s’éparpillèrent le long de la côte ; puis, à la tombée de la nuit, l’on vit, sur tout le rivage, s’allumer