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grâce toute spéciale pour demander le baptême en face des supplices. Il est dur de s’exposer avec toute une famille, aux chaînes, aux tortures, à l’exil et à la mort ; de perdre biens, dignités, parents et amis. Devant ces considérations, il n’est pas étonnant que le plus grand nombre hésite ou recule. Plusieurs païens, amis de nos chrétiens, sont venus me voir ; ils ont appris le catéchisme et les prières du matin et du soir, ils les récitent exactement, ne font plus de superstitions ; mais ils s’en tiennent là, et remettent à plus tard. Espérons que ce plus tard arrivera un jour. Une lueur de liberté, avec la grâce de Dieu, gagnerait tout ce peuple à l’Évangile. »

Le tableau d’administration envoyé à la sacrée Congrégation de la Propagande, à la fin de 1853, porte le nombre des chrétiens inscrits sur les listes des missionnaires à douze mille cent soixante-quinze. Quoique tous n’eussent pu être visités, il y avait eu sept mille six cent soixante confessions annuelles, et plus de six mille communions. On avait baptisé plus de cinq cent cinquante enfants païens à l’article de la mort.

Au mois de mars 1854, dans la semaine de la Passion, M. Jansou, le compagnon de M. Maistre dans son infructueuse tentative de 1851, pénétra heureusement en Corée. La Providence après avoir gardé de tout péril le petit navire chinois sur lequel il était monté, lui fit trouver sans difficulté la barque coréenne envoyée à sa rencontre. Trois élèves coréens, destinés au séminaire général de Pinang, prirent sa place sur la jonque qui retourna immédiatement en Chine, et lui-même, sous la conduite de guides expérimentés, arriva, en quelques jours, à la capitale. Grande fut la joie des missionnaires et des chrétiens, en recevant ce renfort si longtemps attendu, mais cette joie se changea bientôt en une tristesse indicible. Après quelques jours, M. Jansou fut atteint d’une violente fièvre cérébrale qui lui fit presque perdre la raison. Il demeura deux semaines à la capitale avec M. Maistre ; puis, un mieux sensible s’étant manifesté dans son état, on le conduisit dans les montagnes chez M. Daveluy. Le bon air que l’on y respire, la liberté plus grande dont on y jouissait alors, faisaient espérer une prompte guérison. Mais le mal était sans remède, et après quelques semaines de prostration physique et morale, interrompue de temps en temps par des crises nerveuses effrayantes, il tomba épuisé, et rendit son âme à Dieu entre les bras de M. Daveluy, le 18 juin. « Que la volonté de Dieu soit faite ! écrivait ce dernier, mais combien ses desseins sont impénétrables ! combien sévères ses jugements sur notre