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Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/394

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complètement la religion ; sinon, de grâce, ne m’importunez plus. »

Contre sa coutume, cet homme passa vingt jours sans revenir, et le chrétien n’espérait plus le revoir, lorsqu’il se présenta de nouveau et dit : « J’ai réfléchi à vos paroles, je les ai méditées et discutées, et je suis maintenant convaincu que votre religion est vraie. Aussi, quoique le roi la proscrive sous peine de mort, je ne puis m’empêcher de l’embrasser. » On lui donna les livres nécessaires, et en peu de jours, il apprit les prières et le catéchisme. Il fit plus, il évangélisa toutes les personnes de sa maison, composa à sa façon, pour son père, une réfutation du paganisme et une apologie de la religion chrétienne, et après trois mois parvint à le convertir. Il amena aussi à la religion sa femme et plusieurs de ses parents, au nombre de douze.

Dans les courts moments de loisir que lui laissait l’administration des chrétiens, M. Daveluy travaillait pour l’avenir, en préparant un dictionnaire chinois-coréen-français, en traduisant divers ouvrages coréens sur l’histoire et la chronologie du pays, en révisant les livres de religion qui se trouvaient entre les mains des chrétiens. Le dictionnaire surtout lui coûta bien des fatigues. Une fois il fit six jours de marche pour aller consulter un vieux mandarin, docteur distingué, très-versé dans la connaissance du chinois et du coréen. Il parvint enfin à réunir une liste considérable de mots coréens. C’était le premier travail de ce genre qui eût été tenté dans ce pays, car tous les lettrés s’occupant presque exclusivement de l’étude des caractères et des livres chinois, ont absolument négligé leur langue nationale. Ce dictionnaire, perfectionné plus tard, a malheureusement, comme tant d’autres documents précieux, disparu pendant les dernières persécutions.

De son côté, M. Maistre cherchait à affermir et à développer l’œuvre de la Sainte-Enfance. « Aussitôt que j’eus reçu votre première lettre, » écrivait-il au conseil de l’œuvre, « j’en donnai connaissance aux chrétiens qui m’entouraient, et je puis affirmer que, non-seulement alors, mais plusieurs fois depuis, j’ai vu couler de leurs yeux des larmes de reconnaissance. « Vraiment, » me disaient-ils, « notre charité est à peine une étincelle à côté de cette fournaise allumée en France, et qui déjà embrase le monde. » J’aurais voulu dès ce moment fonder un établissement pour les enfants recueillis vivants ; mais, ici les lois de persécution sont toujours en vigueur : on est obligé de faire du bien aux hommes à leur insu, et souvent malgré eux. Afin donc d’éviter tout éclat dangereux, j’ai été obligé de distribuer ces chers enfants dans