Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/403

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avec des rotins dont chaque coup imprimait sur le corps un sillon sanglant, long de cinq ou si pouces ; puis, reconnus coupables d’avoir prêché la foi chrétienne, furent condamnés à mort. La sanction seule du roi manquait pour qu’on exécutât la sentence. Mais Thieu-tri, qui n’avait succédé à son père que depuis quatre ou cinq mois, et n’avait pas encore reçu l’investiture solennelle de l’empereur de Chine, n’osa pas signer d’abord cette sentence, et les confesseurs restèrent en prison. Les diverses lettres écrites par M. Berneux pendant sa captivité nous montrent combien grand était dans son âme le désir du martyre. La divine Providence lui réservait en effet cette couronne, mais il devait l’acheter par de plus longues souffrances et de plus longs travaux.

Cependant d’autres missionnaires étaient tombés entre les mains des persécuteurs. M. Charrier fut arrêté au Tong-king, le 5 octobre 1841, et condamné à mort, puis transféré à la prison de Hué, auprès de ses confrères. MM. Miche et Duclos, arrêtés en Cochinchine, le 16 février 1842, vinrent bientôt les y rejoindre. Ce ne fut que le 3 décembre suivant, que le roi sanctionna enfin la peine de mort portée contre les missionnaires européens, en ordonnant toutefois d’attendre de nouveaux ordres pour procéder à l’exécution. Dès le lendemain, les confesseurs connurent le décret royal, malgré toutes les précautions prises par les mandarins pour le leur cacher. « Vous ne sauriez vous faire une idée, » écrit M. Miche, « de la joie que la décision du prince a répandue dans nos âmes ; il faut en faire l’expérience pour pouvoir en juger. Que sera-ce donc quand viendra le jour du supplice ! quand le bourreau frappera à notre porte et nous dira : Partez, le ciel vous est ouvert ! »

Ces saintes espérances devaient être déçues. Thieu-tri encore mal affermi sur son trône, craignant de s’attirer une guerre avec la France, hésitait à permettre l’exécution des missionnaires, lorsque le 25 février 1843, la corvette l’Héroïne vint mouiller au port de Touranne. M. Chamaison, caché à trois quarts de lieue de la côte, parvint à faire remettre secrètement une lettre au commandant, M. Lévêque. Cette lettre lui apprenait que cinq missionnaires français, MM. Caly et Berneux, emprisonnés depuis vingt-trois mois, M. Charrier depuis dix-sept mois, MM. Miche et Duclos depuis treize mois, étaient à ce moment enchaînés dans les cachots de Hué, sous le coup d’une sentence de mort qui pouvait, d’un jour à l’autre, être mise à exécution. Devant des informations si précises, le commandant n’hésita pas. Il prit sur lui la responsabilité de réclamer ses compatriotes, et