Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/443

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par un glorieux triomphe. Voici comment, deux ans plus tard, il expliquait lui-même à M. Albrand, supérieur du séminaire des Missions-Étrangères, cette démarche inattendue. « N’allez pas en chercher la cause ailleurs que dans le motif exprimé : l’état de ma santé. Je suis parti du Léao-tong avec la pensée que je ne rendrais d’autre service à la Corée que celui de lui sacrer un évêque. Ma santé, depuis longtemps ruinée et qui me rend de plus en plus incapable de rien faire, ne permettait pas d’espérer autre chose. Mais ce service me sembla assez important pour ne laisser lieu à aucune hésitation. Depuis mon entrée ici, je suis réduit, pendant au moins six mois chaque année, à ne pouvoir rien faire. L’hiver, j’administre un district aussi étendu, autant et plus fatigant que celui d’aucun confrère, parce que, dans une mission comme celle-ci, où le travail est excessif, où les privations sont continuelles, un moyen de tout faire supporter gaiement aux confrères, c’est que le vicaire apostolique prenne pour lui la plus large part de ce travail et de ces privations, et ne laisse aux missionnaires que ce qu’évidemment il ne peut pas faire. Mais, ce district administré, je ne puis me livrer à aucun travail ; pas de sommeil, impossibilité de prendre des aliments, de rester même assis, de réunir deux idées : voilà mon état habituel. Ma conscience s’inquiète, parce que l’œuvre de Dieu souffre. Sans tête qui le dirige, le zèle des missionnaires devient inutile, et cette Corée, qui ne demande qu’à marcher, reste stationnaire. Voilà la raison qui m’a fait faire cette démarche, et qui me fait désirer que ma demande soit écoutée, quoi qu’il doive m’en coûter. Mon cœur se brisera en quittant cette mission ; Dieu sait combien je l’aime ; la pensée seule que je cesserai de travailler dans notre société à laquelle je suis attaché du fond des entrailles, me remplit d’amertume. Mais l’intérêt de cette mission doit parler plus haut et faire taire toute autre considération. »

Comme on le voit, ce n’étaient ni le découragement produit par l’excès du travail, ni la crainte du danger, c’était l’humilité profonde de Mgr Berneux qui le faisait reculer devant les terribles responsabilités de sa position. Ce qui le prouve mieux que tout le reste, c’est qu’après avoir accompli cet acte que sa conscience lui faisait considérer comme un devoir, après avoir essayé de secouer ce fardeau qu’il se croyait incapable de porter, il s’abandonna résolument à la sainte volonté de Dieu, et continua de remplir tous ses devoirs de supérieur avec plus de soin et de zèle que jamais.

À l’époque même où il demandait à être déchargé du vicariat