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Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/451

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Corée, donnant mes soins à quelques enfants et à une petite chrétienté qui s’épanouit autour de moi. Comme cela doit être dans un pays qui semble encore bien loin de reconnaître la liberté religieuse, nos affaires se font à petits pas, sans bruit et dans les ténèbres : à ces conditions, si nous ne passons pas inaperçus, du moins on feint de ne pas nous apercevoir. D’ailleurs certains événements, qui sont grands pour ce petit royaume, occupent l’esprit de nos païens et même de nos gouvernants. L’année dernière, à l’automne, la mort de la vieille reine, mère adoptive du roi, entraîna le deuil général commandé à tout le peuple coréen. Incontinent après, la femme du dernier roi défunt voulut obtenir, avec le titre de reine mère, une large part à l’autorité : elle était secondée dans cette entreprise par un parti puissant, à la tête duquel se trouve la famille de cette femme. Comme le gouvernement résistait à ses prétentions, elle a poussé la hardiesse jusqu’à tenter de se défaire du souverain actuel. On s’en est avisé à temps, et le roi n’a pas pris le breuvage empoisonné. Cette méchante femme a continué ses criminelles intrigues ; plusieurs fois elle a essayé d’incendier la capitale. Le gouvernement, fatigué de ces menées, a fait mourir les deux chefs de cette famille remuante.

« Vous ne soupçonneriez pas, monsieur le Supérieur, avec quelle courtoisie le roi de Corée se défait des puissants personnages qu’il ne veut pas livrer aux tribunaux. Il leur envoie fort poliment un présent, qui consiste en une bonne dose de poison ; cela veut dire : Faites vos dispositions testamentaires, et puis avalez ma potion. Ces hauts dignitaires ne désobéissent jamais, ils prennent leur parti en braves, et en peu de jours se font mourir. Les deux mandarins en question sont morts de cette manière, et en même temps que le gouvernement était délivré d’une entrave, nous l’étions aussi d’une menace de persécution ; car ce parti est très-hostile à notre foi.

« À l’agitation causée par ces événements a succédé la crainte de la famine ; et, pour plus grande complication, voilà qu’une brillante comète apparaît à l’occident, court avec grande vitesse du nord au sud, double Arcturus dans la journée du 7 octobre, et se trouve en ce moment dans la constellation du Serpent. Ce bel astre a achevé de décontenancer le peuple coréen ; c’est presque une épouvante comme au jugement dernier. De tous côtés l’on vous affirmera qu’il y a guerre imminente, que les armées sont en marche ; beaucoup de païens ont déjà couru se cacher dans les montagnes les plus affreuses ; ceux qui restent sont pâles de terreur. Qu’arrivera-t-il ? on ne peut rien assurer ; mais l’his-