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Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/543

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croix, est placée la sentence. Aussitôt que la charrette a passé sous la porte de l’Ouest, et se trouve en dehors des murs, on retire l’escabeau, on aiguillonne le bœuf pour le faire courir à travers les pierres du chemin, et bientôt le malheureux patient, dont le corps est déjà à demi broyé par les tortures, se trouve si affreusement secoué qu’il perd connaissance. Arrivés au lieu de l’exécution, les bourreaux coupent les cordes, et laissent tomber à terre leur victime ; puis, ils la dépouillent de tous ses habits, lui lient les bras derrière le dos, et lui placent la tête sur un billot de bois. Un soldat tient la tête par une corde attachée aux cheveux, et aussitôt que le bourreau a accompli son œuvre, il la jette de côté. Les corps de Jean et de Thomas, après être restés trois jours exposés sur le lieu du supplice, furent traînés à quelque distance, dans les champs, où ils demeurèrent abandonnés pendant quinze jours entiers. Alors seulement quelques chrétiens courageux purent les recueillir et leur donner la sépulture. La famille de Jean Nam fut traitée comme une famille de rebelles. Sa femme et ses enfants en bas âge furent exilés à perpétuité dans des prisons différentes ; son fils aîné, âgé de quatorze ans, et son vieux père furent incarcérés à Kong-tsiou, où on les laissa mourir de faim. Des doutes assez graves se sont élevés sur les dispositions de Thomas Hong au moment de sa mort. Il a été impossible depuis de les éclaircir, faute de renseignements certains. Tout porte à croire qu’ils n’ont aucun fondement ; néanmoins il est de notre devoir de les mentionner.

Les têtes de Jean Nam et de Thomas Hong étaient encore attachées aux poteaux de Nei-ko-ri, et la place de l’exécution encore inondée de leur sang, lorsque, deux jours plus tard, le 10 mars, Pierre Tseng et Jean Tjieun, vinrent à leur tour y cueillir la palme glorieuse. Pierre Tseng l’un des chrétiens qui ont bien mérité de l’Église de Corée, appartenait à une famille honorable par sa position et surtout par son attachement à la foi. Sa sœur aînée, ayant consacré à Dieu sa virginité, était morte dix ans auparavant, après une vie édifiante ; son frère cadet était, à Macao, le compagnon d’études du vénérable André Kim et du P. Thomas Tsoi, et son zèle et ses talents annonçaient qu’il serait un jour un digne et saint prêtre, quand Dieu l’appela à lui. Son frère aîné se trouvait en prison pour la foi, à la fin de 1866, quand les Français quittèrent la Corée, et il est plus que probable que, depuis longtemps, il a suivi les traces de Pierre. Quand M. Maubant entra en Corée, il fut frappé de la piété éclairée, de l’intelligence, du tact de Pierre Tseng. Il le prit à son service,