Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/589

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à propos vinrent, à leur grande surprise, éclater près de leurs rangs. Étonnés et effrayés par l’effet de ces engins inconnus, ils rompirent bientôt leurs rangs et s’enfuirent sur le sommet des montagnes. Ils se montrèrent depuis, à plusieurs reprises, dans une gorge éloignée de deux mille mètres ; mais le feu des canonnières les obligeait de se retirer. La nuit ils venaient allumer des feux de bivouac en différents endroits de la plaine, et le jour ils y plaçaient des mannequins habillés, afin de nous faire dépenser inutilement de la poudre et des boulets. Souvent on entendait le bruit de leurs canons ; sans doute ils s’exerçaient au tir dans leur camp, derrière les montagnes. On nous a dit qu’ils avaient fabriqué des canons sur le modèle de ceux qu’ils avaient pris à bord de la goélette américaine, brûlée par eux avec l’équipage, quelques mois auparavant, sur la côte de Pieng-an. Les canonnières étaient postées en différents endroits, pour empêcher la circulation des barques et tenir le blocus de la rivière de la capitale ; un certain nombre de jonques furent brûlées ; mais les Coréens trouvaient moyen de passer pendant la nuit sur de petits canots.

« Pendant ce temps la persécution sévissait plus que jamais à la capitale et dans les provinces. Le père du roi était furieux : il avait fait écrire, sur les poteaux qui sont à l’entrée de son palais, que tous ceux qui parleraient de faire la paix avec les Européens seraient considérés comme rebelles et immédiatement exécutés. Le général Ni Kieng-ei avait envoyé à l’amiral, dès le 19 octobre, une longue lettre, dans laquelle, après avoir cité plusieurs sentences des anciens philosophes, il disait que ceux qui franchissaient les frontières d’un autre royaume étaient dignes de mort ; que les Européens étaient venus chez eux, s’étaient cachés en prenant les habits et en parlant la langue du pays, afin de leur enlever leurs richesses ; que par conséquent on avait bien fait de les mettre à mort ; que si nous ne partions pas, nous devions craindre que le ciel ne nous punît bientôt, etc… L’amiral répondit qu’il était venu au nom de Napoléon, souverain du grand empire de France ; que Sa Majesté dont la sollicitude s’étendait sur tous ses sujets, en quelques lieux qu’ils fussent, voulait qu’ils fussent partout en sûreté et traités comme il convenait à des citoyens d’un grand empire ; qu’ayant appris que le gouvernement de Corée venait de mettre à mort neuf Français, il venait demander réparation : qu’on eût donc à lui remettre les trois ministres qui avaient contribué le plus à la mort de ces Français, et qu’on envoyât en même temps un plénipotentiaire pour poser les bases d’un traité. Sinon, il rendait le gouvernement