Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/97

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

actions d’autrui étaient évidemment mauvaises, il se rejetait sur l’intention qui, dans sa pensée, devait toujours être bonne. Et il agissait ainsi lorsque lui-même avait à souffrir de ces fautes qu’il excusait.

Mais la vertu qui brilla le plus dans Mgr Bruguière fut le zèle. C’est ce zèle ardent pour l’établissement du règne de Jésus-Christ qui le porta à se dévouer seul, sans ressource, sans savoir s’il serait suivi par d’autres missionnaires, pour porter l’Évangile en Corée, et qui lui fit supporter tant de fatigues. « Je ne suis étonné de rien, écrivait-il ; je m’attends à tout. Quand j’ai demandé cette mission, et quand je l’ai acceptée, j’ai prévu tous les travaux et tous les périls que j’aurais à essuyer. Jusqu’à ce moment j’en ai trouvé moins que je ne croyais. Dieu est partout, il ne m’arrive rien en ce monde que par ses ordres et par sa permission. Ses desseins sont toujours justes et toujours adorables ; mon devoir est de m’y soumettre avec le secours de sa grâce. Je ne m’arrêterai que lorsque je serai abandonné de tout le monde, et qu’il me sera absolument impossible de continuer seul mon voyage. » Lorsqu’il se mit en route pour la dernière fois, il était déjà malade, de violents maux de tête le faisaient beaucoup souffrir ; son estomac épuisé rejetait presque toute nourriture ; il ne pouvait marcher qu’avec peine ; le froid était très-rigoureux ; mais son amour pour Jésus-Christ était plus fort que tous les obstacles, et la mort seule put l’arrêter. L’amour de Dieu, dit le livre de l’Imitation, n’est lassé par aucune fatigue, resserré par aucune entrave, troublé par aucun effroi ; mais comme la flamme inextinguible, comme le feu de la torche ardente, il passe et s’élève à travers tous les obstacles. Amor fatigatus non lassatur, arctatus non coarctatur, territus non conturbatur ; sed sicut vivax flamma et ardens facula, sursum erumpit, secureque pertransit.

Après avoir rendu les derniers devoirs à son évêque, M. Maubant continua sa route. Arrêtons-nous un instant ici pour faire connaître le premier missionnaire français qui pénétra en Corée. Pierre-Philibert Maubant était né à Vassy, dans le diocèse de Bayeux, le 20 septembre 1803, d’une honnête famille de paysans. Son père se nommait Charles Maubant, et sa mère Catherine Duchemin. Un digne ecclésiastique, frappé des excellentes qualités qu’il avait remarquées en lui, se chargea de son éducation et ne le perdit point de vue depuis sa première communion. Le jeune Maubant, en effet, se distinguait des enfants de son âge par sa piété, sa candeur et son application à l’étude. Une