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raire. C’est le système adopté dans ce livre. Il se compose de trois sections : dans la première sont groupés les monuments qui représentent une seule des trois idées radicales de l’architecture funéraire, La Foi, La Mort, La Glorification ; dans la deuxième, au contraire, sont réunies les compositions exprimant la combinaison de ces idées deux à deux ou toutes les trois ensemble ; la troisième section est consacrée à des monuments qui offrent un caractère particulier, à des tombeaux de famille, des tombeaux juifs, etc. ; mais les monuments de cette dernière section ne sortent pas toutefois du cercle des trois idées principales.

Voici l’ensemble du tableau :

1re Section
exprimant essentiellement
(A) La Foi[1]
(B) La Mort
(C) La Glorification
2e Section
exprimant à la fois
(A’) La Foi et la Mort
(B’) La Foi et la Glorification
(C’) La Mort et la Glorification
(D’) La Foi, la Mort et la Glorification
3e Section
Monuments particuliers
(A’’) Tombes de famille
(B’’) Spécimens divers : tombeaux juifs, etc.

Au point de vue simplement abstrait, on eût pu distribuer tous les spécimens de l’architecture funéraire entre les deux premières sections, répartissant entre celles-ci, suivant l’idée ou les idées radicales de la composition, tous les spécimens de la troisième section, et si nous n’avons pas fait ainsi, c’est qu’un intérêt pratique, qu’apprécieront les architectes, s’attachait à la division en trois sections.

IX.

Le fréquent défaut de précision dans l’idée que les architectes ont voulu exprimer dans les tombeaux qui forment ce recueil, nous a suscité plus d’une difficulté lorsque nous avons voulu mettre en pratique la classification qui précède. Nous avons rencontré, il faut le dire, les mêmes embarras lorsque nous avons tenté de grouper, de cette façon, les nombreux spécimens de l’architecture funéraire moderne que nous avons recueillis dans nos départements et dans les pays étrangers ; et toujours par suite de la même cause : l’incertitude de l’idée exprimée. Aussi, la difficulté qu’on éprouve à classer les œuvres modernes de ce genre, constitue-t-elle, suivant nous, une des plus graves critiques qu’on puisse adresser à l’architecture funéraire de nos jours. Elle constate chez le public, et même chez l’architecte, un défaut trop habituel de clarté dans la conception de la pensée, une fâcheuse tendance à s’accommoder de mirages vagues <et indécis, une certaine aversion à serrer de près et à scruter sévèrement l’idée à exprimer. Cependant, pour le génie français surtout, la clarté est un besoin impérieux et une qualité habituelle ; la clarté dans la pensée est d’ailleurs la condition fondamentale du bien-dire dans toutes les formes si variées du langage et de l’art. Pour bien parler — que ce soit de la plume ou de la parole, du pinceau ou du ciseau, — par les riches mélodies de la musique ou les puissantes créations de l’architecture — il faut avoir une idée nette, c’est-à-dire posséder pleinement son sujet.

X.

Nous avons dégagé de la branche spéciale d’architecture qui nous occupe les trois idées qui tiennent à la nature des choses, les trois rapports constants qui existent entre la nature de l’homme en société et les monuments funéraires ; mais nous avons fait remarquer que ces rapports peuvent varier d’importance relative dans chaque monument, parce que le tombeau peut être essentiellement, pour celui-ci un monument religieux, un monument commémoratif pour celui-là, et enfin, pour tel autre, simplement la demeure dernière d’un mort, ou, tout à la fois, un édifice religieux, commémoratif et funéraire ; et que de là naît une variété de combinaisons pouvant donner naissance à des difficultés et même à des conflits. Nous allons dire sous quelles influences et dans quelles conditions sociales ces difficultés et ces conflits peuvent naître et grandir.

XI.

Chaque tombeau est la demeure d’un mort et, par suite, l’expression d’une individualité ; mais il est aussi comme une parole d’adieu adressée au mort par les survivants, c’est à-dire une expression de leurs sentiments ; et, dans cette mesure, les vivants y impriment aussi quelque chose de leur image. Aux époques d’évolution sociale, c’est-à-dire aux époques de foi commune et de principes communs, cette double expression de ce que fut le mort et des sentiments et idées des survivants, n’offrait aucun inconvénient : tout le monde avait la même foi ; pour tous un tombeau était, avant tout, un monument religieux. Mais dans les périodes de transition, sociale, périodes de doute et de recherche, où se heurtent à tout moment et à propos de tout, l’affirmation et la négation, aujourd’hui par exemple, le mort peut avoir été, jusqu’à ses derniers moments, un libre penseur, et celui qui reste pour lui rendre le dernier devoir peut

  1. Nous avons dit plus haut que l’idée de la mon figurait nécessairement dans toute composition funéraire, et ici cependant nous ne la marquons pas. C’est que nous n’avons signalé ici que ce qu’il était dans la volonté manifeste de l’architecte de bien accuser.