Page:Dancourt-Les oeuvres de monsieur Dancourt-Vol7-1729.djvu/54

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
44
LA TRAHISON PUNIE,

Sont tombez lourdement, la pauvre mule expire,
Avec un pied rompu, le valet qui s’en tire,
Et qui ne peut courir faute de ce pied-là,
Vient d’envoier à l’Ours la lettre que voilà,
Et moi je vous l’aporte en grande diligence.
Liſez.

D. JUAN.

Liſez.Cette lettre eſt de mon pere, je pecnſe.

Il lit.
D. ANDRÉ.

Hé bien !

D. JUAN.

Hé bien ! Que de chagrins m’accablent à la fois !

D. ANDRÉ.

Quoi ?

D. JUAN.

Quoi ? Mon pere eſt malade au lit depuis un mois.
Et dans ce triſte état il me demande en grace
Avant que de mourir qu’il me voie & m’embraſſe.

FABRICE.

Vous voiez bien, Monſieur, que le fait eſt preſſant.

D. ANDRÉ.

J’entre dans la douleur que vôtre cœur reſſent.
Mais ne pouvant, ami, détourner cet orage,
Il le faut eſſuier du moins avec courage.

FABRICE.

Oui, oui, faites, Monſieur, comme mon maître a fait,
Quand ſon pere mourut, ſa douleur en effet
De toutes les douleurs eût été la plus forte,
Si quelques jours après ſa mere ne fut morte ;
Mais cette douleur-là, dès qu’il fut orphelin
Étant au période, elle finit ſoudain.
Ainſi par leur excès les douleurs déſarmées…
Les plus grandes, Monſieur, ſont les plutôt calmées.