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L. H. DANCOURT

qui la culture de leurs Coteaux laiſſe le tems de faire des horloges de bois, ce n’eſt pas à ces Michels Morins, Serruriers, Menuiſiers, Vitriers, Tourneurs, & Muſiciens, qui comme les Gens de qualité de Moliére ſçavent tout ſans avoir jamais rien appris, à qui le ſpectacle eſt deſtiné, avec tant de talens à éxercer ils n’auront pas de tems à donner à leurs plaiſirs. Moliére, Corneille & tous leurs ſucceſſeurs, ne travaillent que pour ceux qui ſçavent choiſir un amuſement dont leur cœur & leur eſprit peuvent tirer avantage en ſorte qu’ils n’aient pas à ſes reprocher la perte du tems qu’ils emploient à ſe délaſſer.

Vous reprochez au ſpectacle de ſervir la vanité & la coquetterie des femmes, en ce qu’il leur offre l’occaſion de produire leur luxe & de paroître, comme on dit, ſous les armes ; mais ce n’eſt pas pour cela que le Théatre eſt fait ; ſi cette raiſon ſuffit pour l’interdire, il faut donc fermer auſſi tous les Jardins publics, toutes les Promenades, les Égliſes même ? Il n’eſt que trop certain qu’on y voit ſouvent les mêmes abus que vous reprochez aux ſpectacles, & comme diſoit en Chaire un certain Jeſuitte paſſable Comédien » on voit tous les jours dans le temple des Galans Mulieribus blandientes oculis » & ces regards lascifs ne reſtent pas ſans réplique.

L’abus des choſes ne les rend pas criminelles : corrigez les abus, ſoit ; mais ſans proſcrire les bonnes choſes dont on abuſe. Arracherez vous un arbre parce que contre l’inten-