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L. H. DANCOURT

Quoi de plus contraire à des loix qui font de tout un Peuple une Armée : il faut être bien peu Chrétien, pour me vouloir faire admirer un Légiſlateur auſſi barbare que Licurgue.

Obſervez cependant que ce Légiſlateur n’a pas plus proſcrit les Théatres que les autres plaiſirs ; & conclure de ſon attention à éloigner de ſa République ce genre d’amuſement, qu’il eſt très dangereux, c’eſt conclure en même tems que les plaiſirs que vous permettez à vos Génevois ne le ſont pas moins puiſqu’il les proſcrivoit auſſi. Le vin dont vous faites ſi bien l’apologie n’étoit pas plus du goût de Licurgue que vos Cercles particuliers. La ſeule danſe qu’il permettoit à ſes gens étoit un exercice militaire au ſon des inſtrumens & qui ne reſſembloit point du tout au Bal que vous établiſſez ſi comiquement ſous la direction d’un Magiſtrat.

Vous citez en vain les loix Romaines contre les Comédiens puiſqu’ils ont pour eux les loix Grecques. Au reſte les impudences du Théatre latin ne pouvoient entrer dans la bouche que de gens impudens : on les mépriſoit quelque bien qu’ils jouaſſent parce qu’il falloit avoir très peu d’honneur pour ſe charger de bien exprimer les choſes les plus impudiques : Ce n’étoit point le talent des Acteurs qu’ils pouvoient appliquer à d’autres objets, qu’on mépriſoit, c’étoit leurs perſonnes. Les Attellanes ſans contredit étoient des Drames écrits avec décence, puiſque la jeune No-