Page:Dancourt - À Mr. J. J. Rousseau, 1759.djvu/30

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jours amis de l’humanité & préférant l’intérêt de la vérité, de la raiſon, de la juſtice & de l’amitié, à leur intérêt propre.

Quant à l’homme ſans paſſions, expliquons nous. Entendez vous par un homme ſans paſſions, un homme inſenſible à tout ce qui peut flatter l’imagination ou les ſens, un homme dans une Apathie perpétuelle, incapable de ſentir & de déſirer.

Qu’on ſe garde bien de mettre un tel homme ſur la ſcene, il eſt bien éloigné de mériter cet honneur, c’eſt un Original qui n’éxiste pas, & qui ne mérite pas d’éxiſter : c’eſt une chimere méthaphyſique injurieuſe à la nature, c’eſt un monſtre qu’il faudroit étouffer puiſqu’incapable de bien & de mal, il ſeroit également inſenſible à l’un comme à l’autre, qu’il regarderoit du même œil la proſpérité & le malheur d’autrui & trouveroit également ridicule qu’on rit ou qu’on pleurât, par conſéquent il ne ſeroit pas plus diſpoſé à ſoulager les malheureux qu’à participer aux plaiſirs des gens contens.

Si par un homme ſans paſſions, vous entendez un ſage incapable d’aucuns excès, dont tous les deſirs ſont ſubordonnés à la raiſon, ce n’eſt pas un homme ſans paſſions.

C’eſt un homme qui fait aimer & eſtimer tout ce qui mérite de l’être, c’eſt un homme qui mépriſe & déteſte la débauche & l’impureté, mais qui ſe permettra d’aimer tendrement une épouſe vertueuſe, qui fuira les ivrognes, mais qui ſe permettra pour la ré-