Page:Dancourt - À Mr. J. J. Rousseau, 1759.djvu/35

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confiance dans leur esprit, dans leurs manieres que du tems de Moliére, au moins ſavent ils que les femmes les trouvent très ſots quand ils le laiſſent entrevoir, que ce n’eſt pas un moyen de plaire que de faire comme on faiſoit autrefois l’éloge perpétuel de ſa figure & de ſon ajuſtement, qu’un moyen ſûr de revolter le Sexe contre eux ſeroit d’imiter les Mascarilles de Moliére, en faiſant à tous propos l’énumération de ſes conquêtes.

On a ſubſtitué les Caffés aux cabarets : les plaiſirs d’une ſociété mi-partie entre les hommes & le Sexe, le goût des concerts, des cercles amuſants & des ſoupers délicats, aux débauches groſſieres & aux défis d’ivrognerie qui étoient autrefois à la mode. Les mœurs ſe ſont embellies ſans contredit, c’eſt à dire qu’elles ont été corrigées. Il faut eſpérer que quelque nouveau Moliére achevera l’ouvrage de ce grand homme. Il en a montré le chemin, qu’on le ſuive, & ſi nous n’avons plus de Moliére à espérer, qu’il nous vienne ſeulement des Deſtouches & nous pouvons être ſûrs qu’ils attaqueront avec ſuccès les ridicules & les vices qu’on peut nous reprocher aujourd’hui.

Quand Moliére n’auroit pas eu tous ces ſuccès, il ne s’en ſuit pas qu’on ſoit autoriſé à lui reprocher qu’il ait fait des ouvrages inutiles. On le ſeroit donc à proſcrire l’Évangile parce que depuis le tems qu’on le prêche aux hommes on ne les a pas encore rendus tous ſages, vertueux & bons Chrétiens.