Page:Dancourt - À Mr. J. J. Rousseau, 1759.djvu/44

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ou des méchans applauſſent dans le parterre à des maximes admirables qu’ils ſont diſpoſés à mal faire, c’eſt lorſque rendus à eux mêmes au ſein du vice & de l’oiſiveté ils n’entendent plus la voix de la ſageſſe & de la raiſon dans la bouche des Orateurs ſacrés, des Philoſophes ou des Comédiens.

Lorſque le ſanguinaire Sylla pleuroit au ſpectacle, ce n’étoit pas le moment auquel il dictoit ſes proſcriptions, je crois au contraire qu’il ſeroit facile de conclure de la ſenſibilité qu’il montroit que ſi la fréquentation du Théatre eut fait partie de ſon éducation, que s’il eut appris à réflechir comme on le peut faire dans un bon nombre de nos excellentes Tragédies ſur les dangers de l’ambition, s’il eut vû ſouvent le tableau des perils auxquels un Tyran, un Uſurpateur, un Traître ſont expoſés, ſa ſenſibilité naturelle eut triomphé dans ſon cœur de ſes diſpoſitions à la Tyrannie. Qui vous aſſurera M. que ſon abdication de l’autorité ſuprême ne fut pas une ſuitte des impreſſions qu’il avoit reçues au ſpectacle : pourquoi vouloir en attribuer tout l’honneur à la politique plutôt qu’à ſes remords, remords excités en lui par un tableau frappant de la miſere d’autrui.

Il eſt facile de ſe perſuader que l’affreux Damien, ni les abominables Jeſuites, auteurs de l’attentat contre Sa Majeſté Portugaiſe, ni la Marquiſe de Tavora, n’auroient jamais eu les idées funeſtes qui les ont conduits au ſuplice ſi juſtement mérité, s’ils avoient vû ſou-