Page:Dancourt - À Mr. J. J. Rousseau, 1759.djvu/45

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vent repréſenter les Tragédies de Cinna, de Brutus, de Veniſe ſauvée, de Catilina, & de la mort de Céſar. Ces Poëmes admirables où tout reſpire l’amour de la Patrie & fait connoître les ſuites dangereuſes des conſpirations, auroient gravé dans leur cœur la morale qu’elles contiennent, & ſans doute éloigné de leur eſprit les projets affreux qui leur ont cauſé la mort & l’ignominie.

Il n’eſt pas facile de concevoir ſuivant vôtre raiſonnement comment une choſe peut être bonne & mauvaiſe à la fois. Le ſpectacle dites vous, ſe borne à charger & non pas à changer les mœurs établies, & par conſéquent la Comédie ſeroit bonne aux bons & mauvaiſe aux méchans.

Il faut opter, le changement que la Comédie porte dans les mœurs eſt bon ou mauvais, la charge eſt une addition qui ne peut qu’être utile ou préjudiciable : or vous ne pouvez démontrer que les Auteurs Dragmatiques en reſpectant par exemple le penchant des François à l’amour, aient préſenté ce que cette paſſion a de vicieux, comme l’agrément le plus flatteur qu’elle puiſſe procurer, auquel cas le ſpectacle ſeroit également mauvais pour tout le monde. Ils transforment au contraire cette paſſion en ſentiment, ils veulent toujours qu’elle ſoit ſubordonnée à la Vertu, qu’elle ſoit juſtifiée par le mérite & la ſageſſe de la perſonne aimée, ſi cette paſſion eſt telle dans les mœurs des François, aſſurément les Auteurs auroient grand tort de la pein-