Page:Dancourt - À Mr. J. J. Rousseau, 1759.djvu/48

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ſion ſeroit la piraterie, à Meſſine une vengeance bien ſavoureuſe, à Goä l’honneur de bruler des Juifs : pourquoi citer des goûts atroces pour en faire induire que le nôtre eſt mauvais & pour atténuer les bonnes raiſons que nous avons de trouver nos piéces bonnes ? Ce n’eſt pas en agir en critique de bonne foi. Prouvez encore un coup que nos mœurs ſont mauvaiſes & que nos Drames en entretiennent la corruption.

Je crois vous avoir démontré ci-deſſus en citant Britannicus que nôtre goût pour l’amour n’étoit pas condamnable en lui-même, qu’au contraire les Auteurs Dragmatiques auroient tort de ne pas reſpecter & profiter d’un des avantages de nos mœurs ſur celles des autres peuples, qu’ils s’étoient ſagement attachés à nous apprendre le parti que nous pouvions tirer en faveur de la vertu de nôtre penchant à l’amour, en indiquant aux cœurs bien faits les objets auxquels ce penchant doit les attacher ; & je crois qu’en ce cas il eſt auſſi ſage de deffendre l’amour & de forcer les pédans à le reconnoitre pour un ſentiment ſublime & délicat, qu’il ſeroit abſurde d’applaudir l’attachement intéreſſé d’un vieux avare pour une jeune perſonne lors qu’il n’évalüe pour quelque choſe les charmes de ſa Maitreſſe, qu’après avoir fait attention à ſon coffre fort, que la Vertu, la bonne conduite, l’œconnomie ne lui paroiſſent pas dignes d’entrer en compte & qu’il paſſeroit volontiers tous les vices à l’objet de ſon amour pour vû qu’elle eut