Page:Dante - L’Enfer, t. 1, trad. Rivarol, 1867.djvu/104

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flots limoneux : elles se heurtaient tête baissée, se frappant des pieds et des mains, et déchirant leurs flancs de morsures cruelles.

— Voilà, dit mon guide, ces furieux qui ont bu dans la coupe amère des vengeances, et je veux que tu saches qu’il est encore au fond du bourbier une foule qui gémit et qui redit sans cesse : « Les vertiges insensés de la colère ont troublé pour nous la douce sérénité de la vie ;

ici, nous sommes rassasiés d’amertume. » Mais leur langue, qui lutte

contre l’épais limon, articule à peine cet hymne de douleur, et leurs sanglots étouffés sous le poids des eaux en font bouillonner la surface [8].

Ainsi nous parcourions les contours de l’onde croupissante, et nos yeux plongeaient sur la foule des coupables, lorsque nous arrivâmes au pied d’une tour.