Page:Dante - L’Enfer, t. 1, trad. Rivarol, 1867.djvu/117

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les esprits à la vie, me força d’évoquer une ombre au cercle du traître Judas, dans ce cachot central, dernier asile de la nuit, le plus reculé de la dernière enceinte des mondes [2]. Tu peux croire que ces routes me sont connues. La cité des douleurs, qui nous est fermée, baigne ses vastes flancs dans les eaux qui dorment à ses pieds, et respire à jamais leur haleine impure.

Mon guide ajouta d’autres paroles, dont la trace fugitive échappe à mon souvenir ; car la tour qui élevait devant moi ses créneaux flamboyants appelait tous mes regards [3].

Tout à coup, les trois Furies se montrèrent sur le faîte qu’elles surmontaient de tout leur corps. Elles agitaient leurs membres teints de sang et les couleuvres verdâtres qui ceignaient leurs reins, tandis que d’autres serpents se jouaient comme les flots d’une chevelure sur leurs tempes livides.

— Voilà les Euménides, me dit le sage, qui reconnut ces trois filles de l’éternelle nuit : Tisiphone se dresse au milieu ; Mégère est à sa gauche ;

Alecton pleure à sa droite.

Je les voyais se meurtrir le sein à coups redoublés et le déchirer de leurs ongles cruels. Elles poussaient à la fois des cris si féroces, que je me jetai tout éperdu dans les bras de mon guide.

— Appelons Méduse, disaient-elles en se courbant vers moi ; changeons-le en roche