Page:Dante - L’Enfer, t. 1, trad. Rivarol, 1867.djvu/167

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sa lumière incertaine. Tout à coup, un de ces malheureux me reconnaît, et saisit les bords de ma robe, en s’écriant :

— Ô prodige !

Et moi qui voyais ses bras tendus vers moi, je considérais plus attentivement ses traits noircis et brûlés, et je le reconnus malgré l’altération de son visage.

— Ô Latini, m’écriai-je en portant ma main sur son front, est-ce donc vous que je vois ici [1] ?

— Souffre, me répondit-il, souffre, ô mon fils ! que je m’éloigne de mes tristes compagnons, et que je retourne un moment sur mes pas avec toi.

— Daignez plutôt vous asseoir avec moi, lui dis-je, si mon guide le permet.

— Mon fils, reprit l’infortuné, un seul de nous qui suspendrait sa marche resterait cent ans immobile sous la pluie de feu. Poursuis donc ta route, et je marcherai au-dessous de toi ; ensuite, je retournerai vers les compagnons de mes malheurs.

Craignant de descendre dans les sables, je penchais la tête vers lui, et j’avançais dans l’attitude d’un homme qui s’incline [2].

— Quel étrange destin, me disait-il, a pu te conduire ici-bas avant ton heure, et quel est celui qui guide tes pas ?

— J’étais, lui répondis-je, au séjour des vivants, et ma course était encore loin de son