Page:Dante - L’Enfer, t. 1, trad. Rivarol, 1867.djvu/177

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légères disparurent, plus rapides que l’oiseau, plus promptes que la parole.

Cependant mon guide s’était éloigné, et déjà le bruit des eaux, croissant de plus en plus, eût étouffé le son de nos voix. Semblable au fleuve qui lave la côte orientale de l’Apennin, et reçoit son nom du paisible cours de son onde [7], mais qui change bientôt et de cours et de nom, lorsque, suspendu près de Forli, il tombe et bondit en fureur sur le penchant écumeux des Alpes, et qu’il inonde les champs trop solitaires de Saint-Benoît ; ainsi le triste ruisseau précipite ses flots rougeâtres dans ces rocs entr’ouverts, et, les brisant avec fracas, assourdit cette lugubre enceinte.

J’avais autour de mes reins une corde qui les soutenait par ses noeuds redoublés. C’est avec elle que je m’étais promis de saisir la panthère : je la délie, aux ordres de mon guide ; et, après avoir rassemblé ses nombreux anneaux dans ma main, je la présente au sage, qui s’avance aussitôt sur les bords du gouffre [8], et la jette loin de lui dans cette bouche ténébreuse.

— Quel sera l’événement, disais-je alors, en le voyant se pencher et suivre de l’œil la corde flottante au fond de l’abîme.

Heureux l’homme prudent qui possède son âme devant l’œil scrutateur qui juge l’œuvre