Page:Dante - L’Enfer, t. 2, trad. Rivarol, 1867.djvu/130

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leurs joues, et, saisies par le froid, s’y durcirent en chaînes de glaçons ; fixant ainsi visage sur visage, comme le bois sur le bois quand le fer les unit. Désespérés du surcroît de douleur, les réprouvés se heurtèrent comme deux béliers en furie [5].

Alors un autre à qui le froid avait fait tomber les oreilles, et qui baissait la tête, me cria :

— Pourquoi t’obstiner à nous tant regarder ? Si tu désires connaître ces deux-ci, apprends qu’Albert fut leur père, et que la vallée qu’arrose le Bizencio était leur héritage ; tous deux d’un même lit, et tous deux si dignes de la fosse glacée, que tu fatiguerais de tes recherches le cercle de Caïn sans trouver leurs pareils. Non pas même l’ombre dénaturée qu’Artus perça de sa main paternelle [6] ; pas même Focacia [7] ; pas même encore celui dont la tête me borne la vue, ce Mascaron, que tout Toscan doit connaître [8]. Et pour trancher tout discours avec toi, apprends enfin que je suis Carmicion de Pazzi [9], et que j’attends Carlin qui doit me faire oublier [10].

En marchant ensuite vers le point où tendent tous les corps [11], je voyais d’autres têtes rangées en grand nombre sur la glace, toutes grinçant des dents et la lèvre retirée ; et je passais moi-même tremblant et transi sous ces voûtes d’éternelle froidure.

Mais je ne sais quel hasard ou quel destin voulut que mon pied heurtât le visage d’un