Page:Dante - L’Enfer, t. 2, trad. Rivarol, 1867.djvu/150

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À chaque face répondaient deux ailes aussi vastes qu’il le fallait au plus grand des archanges, et telles que l’Océan ne vit jamais sur ses flots de voile si démesurée.

Il agitait deux à deux ces ailes sans plumage ; et les trois vents qui s’en échappaient allaient glacer les étangs du Cocyte [4].

De tous ses yeux tombaient des larmes qui se mêlaient à l’écume sanglante de ses lèvres, et de chaque bouche sortait un coupable que le monstre broyait sous ses dents ; éternel bourreau d’une triple victime !

Mais il tourmentait plus effroyablement encore, du tranchant de ses ongles, l’infortuné qui sortait de la bouche du milieu, et dont il retenait la tête et les épaules englouties.

— Ce premier des trois, et certes le plus malheureux, me dit mon guide, est le traître Judas : des deux autres que tu vois à ses côtés, et qui pendent la tête en bas, l’un est Brutus qui souffre et se tait ; l’autre est l’énorme Cassius [5]. Mais il faut partir, car la nuit approche ; notre course est finie, et tout est parcouru.

Alors, suivant son désir, j’enlaçai mes bras autour de son cou ; et dès que le monstre, en déployant ses ailes, eut découvert l’épaisse toison dont ses flancs étaient hérissés, mon guide s’y attacha, et descendit de flocons en flocons à travers les glaces, m’emportant ainsi suspendu ; mais il touchait à peine à la cein-