Page:Dante - L’Enfer, t. 2, trad. Rivarol, 1867.djvu/60

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se dressant sous sa première forme, le réprouvé se montra debout. Ainsi la sage antiquité nous peint le phénix mourant et renaissant après cinq siècles ; ne vivant, au lieu des fruits et de l’herbe des champs, que du suc de l’amomum et des pleurs de l’encens ; expirant enfin sur un lit de myrrhe, de nard aromatique [6].

Cependant tel qu’un homme frappé d’un invisible mal, ou renversé par l’esprit immonde, tombe d’une chute inopinée, et se relève ensuite tout ébranlé de l’affreuse secousse ; plein de trouble, il regarde autour de lui, et soupire en regardant : tel était le coupable devant nous. Ô sévère justice du ciel, quels coups échappent de tes mains !

Mon guide alors dit à ce malheureux :

— Quel fut ton nom et ta patrie ?

— La Toscane, répondit-il, m’a vomi naguère dans cette gueule de l’abîme ; je suis Vannifucci, le féroce ; ma vie a été de la brute, non de l’homme, et Pistoie fut ma digne tanière [7].

— Maître, dis-je aussitôt, interrogez-le, avant qu’il s’échappe : qu’il dise pour quel crime il est tombé si avant, car je l’ai vu jadis homme de sang et de carnage [8].

Le réprouvé, qui l’entendit, ne se cacha point : ses yeux se levèrent sur moi, et son visage se couvrit d’une hideuse rougeur.

— Il m’est plus dur, s’écria-t-il, d’être sur-