Page:Dante - L’Enfer, t. 2, trad. Rivarol, 1867.djvu/80

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même bûcher ; mais la flamme en s’élevant se partagea, comme si elle eût été l’organe de la haine que s’étaient vouée les deux princes.

[6] Il faut bien que Dante partage la prédilection de Virgile pour les Troyens, puisqu’il damne Ulysse et Diomède pour de tels motifs.

[7] Dans quelle langue Dante eût-il interrogé ces princes ? Virgile va-t-il leur parler grec ? Ceci est difficile à expliquer, à moins que Virgile n’ait voulu faire entendre que Dante était un mauvais orateur, ou que la langue italienne pouvait ne pas plaire à des Grecs. Il est certain que le latin avait jadis la prééminence dans l’Europe, et qu’encore aujourd’hui les Italiens traitent leur langue de lingua volgare. Chez eux, comme chez nous, l’histoire, la poésie et tout ce qu’il y a d’important, s’écrivaient en latin. Ce préjugé a tenu nos langues modernes dans une longue enfance.

[8] Il veut forcer Ulysse à parler, et ce héros prend en effet la parole pour raconter l’histoire de ses voyages et de sa mort, si différente de ce qu’on lit dans l’Odyssée. On voit ici qu’il s’égare longtemps dans la Méditerranée, en visitant toutes ces îles, dont le voyage serait pour nous une partie de plaisir. Il arrive déjà vieux à Gibraltar, et continue sa route, en tirant toujours à l’occident, comme s’il allait découvrir l’Amérique. Mais quoique, dès le temps de Dante, il courût déjà quelques bruits qu’il existait un autre monde au delà des mers, ce poëte, ne perdant jamais son sujet de vue, ne fait rencontrer à Ulysse qu’une haute montagne qui s’élève du milieu de la mer Atlantique, et se perd dans le ciel ; c’est le Purgatoire. Comme il n’est pas donné à l’homme d’y arriver vivant, Ulysse et ses compagnons sont submergés à sa vue.

Il ne faut cependant pas croire que ce voyage d’Ulysse vers Gibraltar soit sans fondement. Il passe, au contraire, pour vraisemblable que ce prince ne revit jamais Ithaque et Pénélope. Pline prétend que Lis-