Page:Dante - L’Enfer, t. 2, trad. Rivarol, 1867.djvu/83

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

mérité mon malheur, apprends-moi si la Romagne est en guerre ou en paix ; car c’est elle qui m’a vu naître, près des sources du Tibre.

J’avais encore la tête penchée vers le fond de la vallée quand mon guide étendit sa main pour me désigner l’ombre qui parlait, et me dit :

— C’est à toi de répondre ; elle est de ta patrie [3].

Aussitôt prenant la parole :

— Âme infortunée que ces feux me dérobent, apprenez, lui dis-je, que votre Romagne n’est et ne fut jamais sans guerre, dans le cœur de ses tyrans ; mais elle jouissait hier de quelque ombre de paix. L’aigle de Polente couvre Ravenne et Cervia de ses ailes [4]. La terre que les Français trempèrent de leur sang suit aujourd’hui la fortune du lion vert [5] ; mais ceux de Rimini sont encore sous la dent du vieux loup et de son louveteau ; et ce sont eux qui ont dévoré le malheureux Montagne [6]. Le lionceau du champ d’argent fait trembler Faenza et Imola, et change de parti comme de saison [7]. Enfin la cité qu’arrose le Savio, se partageant entre le mont et la plaine, respire et gémit à la fois sous la tyrannie et la liberté [8]. Maintenant daignez, à l’exemple des autres, m’apprendre votre nom, et me dire si le monde a gardé quelque bruit de vous et de vos œuvres.