Page:Dante - L’Enfer, t. 2, trad. Rivarol, 1867.djvu/94

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Ainsi parla Mahomet ; et portant vers la terre son pied déjà suspendu, il poursuivit sa marche douloureuse [4].

Mais un autre, au milieu de cette foule, s’était aussi arrêté de surprise, avec une oreille arrachée, les lèvres et le nez coupés ; et tournant vers moi son visage ainsi déshonoré, il me dit :

— Ô toi qui n’es pas descendu pour souffrir, et que j’ai vu jadis en Italie, si trop de ressemblance ne m’abuse, ressouviens-toi de Pierre de Médicina [5] ; et quand tu fouleras la douce plaine qui tombe de Verceil à Mercabo, tu pourras dire aux deux premiers citoyens de Fano, à Guido et Anjolello [6], que si la prévision des morts n’est pas un vain songe, ils seront jetés tous deux hors d’une barque, et noyés près de Cattolica, par l’ordre d’un tyran barbare. Du levant au couchant, et dans toute son étendue, la Méditerranée ne fut jamais souillée d’un tel acte de perfidie ; non pas même par les pirates, ou la race d’Argos ; car le traître [7], qui ne voit que d’un œil (et sous qui tremblent les terres que voudrait n’avoir pas vues telle ombre [8] qui est à mes côtés), les attirera l’un et l’autre, et les traitera de sorte que, pour conjurer la tempête, ils n’auront plus besoin de vœux ni de prières.

— Si tu veux, lui répondis-je, qu’un jour ma voix te rappelle au souvenir des tiens,