Page:Dante - La Divine Comédie, trad. Lamennais, 1910.djvu/227

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sépare de l’âme l’intellect possible, parce qu’il ne voit pas qu’il prenne aucun organe. Ouvre ton cœur à la vérité que tu vas entendre, et sache qu’aussitôt que du cerveau la structure est parfaite dans le fœtus, le premier moteur vers lui se tourne, et joyeux d’un si grand art de nature, y souffle un esprit nouveau plein de vertu, qui, attirant dans sa substance ce qu’il y trouve d’actif, devient une seule âme qui vit, et sent, et se réfléchit sur elle-même.

Et pour que moins t’étonne ce que je dis, considère la chaleur du Soleil, qui, jointe à l’humeur qui coule de la vigne, se fait vin.

Quand Lachésis n’a plus de lin, cette âme se dégage de la chair, et emporte avec elle en vertu et l’humain et le divin [1] : les autres puissances [2] toutes comme muettes ; la mémoire, l’intelligence et la volonté, plus actives de beaucoup qu’auparavant. Merveilleusement, sans s’arrêter, elle tombe d’elle-même sur l’une des rives [3] ; là aussitôt elle connaît ses sentiers [4]. Dès qu’en un lieu elle est circonscrite, la vertu informatrice rayonne autour, comme et autant que dans les membres vivants. Et comme l’air chargé de pluie, par les rayons qui s’y réfractent se teint de couleurs diverses, ainsi l’air voisin prend la forme qu’y imprime virtuellement l’âme qu’il enveloppe ; et, semblable à la flamme qui suit le feu, partout où va l’esprit, le suit sa forme nouvelle. De là est appelée ombre l’apparence qu’il revêt ; puis de cette sorte il organise chaque sens jusqu’à la vue : de cette sorte nous parlons, et de cette sorte nous rions ; de cette sorte se produisent en nous les larmes et les soupirs que tu peux avoir

  1. Ce qu’elle a d’humain et ce qu’elle a de divin.
  2. Les facultés des sens.
  3. Sur l’une des deux rives de l’Achéron.
  4. « La route qu’elle devra suivre » c’est-à-dire, l’état qui sera le sien éternellement.