par où d’abord il était venu, je vis l’aigle descendre dans l’arche du char, et la laisser jonchée de ses plumes [1]. Et telle qu’elle sort d’un cœur affligé, j’ouïs une voix du ciel, qui disait : « O ma nacelle, combien mal elle se charge [2] ! » Puis il me sembla qu’entre les roues du char la terre s’ouvrait, et j’en vis sortir un dragon [3], qui dans le char enfonça sa queue, et, comme la guêpe qui retire l’aiguillon, ramenant à soi la queue maligne, la retira et s’en alla joyeux. Ce qui resta d’intact, comme de gazon se recouvre une terre vivace, peut-être à bonne et pure intention, de la plume offerte se recouvrit, et en furent couverts l’une et l’autre roue et le timon, en moins de temps qu’un soupir ne tient la bouche ouverte. La machine sainte ainsi transformée, de ses parties sortirent des têtes, trois sur le timon, et une à chaque coin [4].
Les premières avaient des cornes comme des bœufs ; mais les quatre autres avaient une seule corne au front ; jamais on ne vit monstre semblable.
Pleine de sécurité, comme une forteresse sur une haute montagne, assise dessus m’apparut une courtisane éhontée [5], promenant autour ses yeux hardis, et comme pour qu’elle ne lui fût point enlevée, je vis à côté d’elle un géant [6], debout ; et quelquefois ils se baisaient. Mais ayant vers moi tourné son regard errant et convoiteux, ce féroce amant la flagella de la tête jusqu’aux pieds. Puis, plein de soupçon et transporté de colère, il délia le monstre [7], et le traîna dans la
- ↑ Les donations faites à l’Église romaine par les Empereurs chrétiens, et spécialement par Constantin.
- ↑ A cause de tous les vices, de toutes les corruptions qu’engendrèrent ces donations.
- ↑ L’avarice, selon le sentiment le plus général.
- ↑ Nul accord sur ce que représentent ces sept Têtes ; les uns disent les sept sacrements, d’autre les sept péchés capitaux. La première opinion est évidemment insoutenable ; la diversité des sentiments prouve, au reste, combien ces obscures catégories sont incertaines.
- ↑ La cour de Rome, et spécialement Boniface VIII.
- ↑ Philippe le Bel.
- ↑ Le char qui figure le siège apostolique, lequel fut transféré en France par Philippe Le Bel, après l’élection simoniaque de Clément V.