Page:Dante - La Divine Comédie, trad. Lamennais, 1910.djvu/330

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sommet duquel m’enlevèrent les yeux de ma Dame [1], et ensuite dans le ciel, de lumière en lumière [2], j’ai appris ce qui, si je le redis, à beaucoup sera d’aigre saveur : et si du vrai je suis ami timide, je crains d’être privé de la vie [3] parmi ceux qui ce temps appelleront ancien.

La lumière dans laquelle exultait mon trésor [4] que je trouvai là, resplendit d’abord, comme aux rayons du soleil un miroir d’or, puis répondit : « La conscience noircie ou par sa propre honte, ou par celle d’autrui, sentira certainement ta rude parole ; néanmoins, le mensonge écarté, publie toute la vision, et où est la gale laisse gratter [5]. Que si ta voix [6] est âpre au premier goût, digérée elle laissera ensuite une nourriture vitale. Ce tien cri fera comme le vent, qui plus fortement frappe les hautes cimes ; et ce ne te sera pas un médiocre honneur. Dans ces roues [7], sur le mont et dans la vallée de douleur, t’ont été montrées seulement les âmes connues par la renommée, parce que l’esprit de celui qui ouït, point ne se repose dans une ferme foi par un exemple qui ait sa racine inconnue et cachée, ni par aucun autre argument qui ne soit pas sensible. »



CHANT DIX-HUITIÈME


Déjà de son verbe [8] jouissait seul cet esprit bienheureux, et je goûtais le mien, tempérant le doux avec l’acerbe : et cette

  1. Du Paradis terrestre, qui forme le sommet du mont du Purgatoire. Dante monta au Ciel, soulevé par l’amour que lui inspiraient les yeux de Béatrice.
  2. D’astre en astre.
  3. « Que mon nom ne vive point. »
  4. Son trisaïeul chéri.
  5. Nous avons le même proverbe : Qui est galeux se gratte.
  6. « Ta parole. »
  7. « Ces cercles célestes. »
  8. « De ses pensées. » Déjà Cacciaguida, se renfermant en lui-même avait cessé de parler.