Page:Dante - La Divine Comédie, trad. Lamennais, 1910.djvu/8

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modeste dans sa contenance, que plusieurs la regardaient comme un ange. Cette jeune fille donc, telle que je l’ai décrite, ou plutôt d’une beauté qui surpasse toute description, était présente à cette fête. Tout enfant qu’était Dante, cette image se grava soudain si avant dom son cœur, que, de ce jour jusqu’à la fin de ta vie, jamais elle ne s’en effaça. Était-ce entre deux cœurs un lien mystérieux de sympathie, ou une spéciale influence du ciel, ou était-ce, comme quelquefois l’expérience nous le montre, qu’au milieu de l’harmonie de la musique et des réjouissances d’une fête, deux jeunes cœurs s’échauffent et se portent l’un vers l’autre ? Il n’importe ; mais Dante, en cet âge tendre, devint l’esclave dévoué de l’amour. Le progrès des années ne fit qu’accroitre sa flamme, et tant, que pour lui nul plaisir, nul confort, que d’être près de celle qu’il aimait, de son beau visage, et de boire la joie dans ses yeux. Tout en ce monde est transitoire. À peine Béatrice avait-elle accompli sa vingt-cinquième année, qu’elle mourut[1]. À son départ, Dante ressentit une affliction si profonde, si poignante, il versa tant et de si amères larmes, que ses amis crurent qu’elles n’auraient d’autre terme que la mort seule, et que rien ne pourrait le consoler[2]. »

Ce funeste événement contribua peut-être à développer en lui le fonds de mélancolie qu’il semble avoir apporté en naissant. Quoi qu’il en soit, jamais Béatrice ne sortit de son souvenir. Il la célébra dans ses premiers vers pleins d’amour et de douleur, et l’immortalisa dans le poème devenu l’immortel monument de sa propre gloire.

Brunetto Latini, renommé par ses deux ouvrages, le Tesoro et le Tesorello, fut son premier guide dans l’étude des lettres et de la philosophie. Ce fut à ce maître, qui jamais ne cessa de lui être cher[3], qu’il dut la connaissance des poètes anciens, objets pour lui d’une admiration presque religieuse. Il dut aussi beaucoup à l’amitié de Guido Cavalcanti. Le goût de la peinture et de la musique le lia également avec Giotto, avec Oderici da Gubbio, célèbre par ses miniatures, et avec Casella, qui mit en chant plusieurs de

  1. Le 9 juin 1290.
  2. Boccace. Vita di Dante.
  3. Enf., ch. xv.