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INTRODUCTION.

faire de lui, non-seulement un des plus grands génies qui aient honoré l’humanité, mais encore un poète sans défauts, infaillible, inspiré, un prophète. Ce n’est pas là servir sa gloire, c’est fournir des armes à ceux qui seraient tentés de la rabaisser.

Un des reproches qu’on a faits à son poëme est l’ennui, dit-on, qu’on éprouve à le lire. Ce reproche, qu’au reste on adresse également aux anciens, n’est pas de tout point injuste. Mais, pour en apprécier la valeur véritable, il faut distinguer les époques. Ce qui ennuie aujourd’hui, les détails d’une science fausse, les subtiles argumentations sur les doctrines théologiques et philosophiques de l’École, rendent, sans aucun doute, cette partie du poëme fatigante et fastidieuse même. Mais elle était loin de produire le même effet au quatorzième siècle. Cette science était la science du temps, ces doctrines, fortement empreintes dans les esprits et dans la conscience, formaient l’élément principal de la vie de la société, et gouvernaient le monde. Voilà ce qu’il faudrait ne point oublier. Lucrèce en est-il moins un grand poëte, parce qu’il a rempli son poëme des arides doctrines d’une philosophie maintenant morte ? Et cette philosophie, dans Lucrèce, c’est tout le poëme ; tandis que celle de Dante et sa théologie, n’occupent, dans le sien, qu’une place incomparablement plus restreinte. Qui ne sait pas se transporter dans des