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INTRODUCTION.

sphères d’idées, de croyances, de mœurs, différentes de celles où le hasard l’a fait naître, ne vit que d’une vie imparfaite, perdue dans l’océan de la vie progressive, multiple, immense, de l’humanité.

Dante, au reste, a conçu son poëme comme ont été conçues toutes les épopées, et spécialement les plus anciennes. Celles de l’Inde, si riches en beautés de tout genre, ne sont-elles pas, au fond, des poëmes théologiques ? Que serait l’Iliade, si l’on en retranchait les dieux partout mêlés à la contexture de la fable ? Seulement la Grèce, au temps d’Homère, avait déjà rompu les liens qui entravaient le libre essor de l’esprit. Sa religion, dépourvue de dogmes abstraits, ne commandait aucunes croyances, et, dans son culte vaguement symbolique, ne parlait guère qu’aux sens et à l’imagination. Il en fut de même chez les Romains, à cet égard fils de la Grèce. Avec le christianisme, un changement profond s’opéra dans l’état religieux. La foi en des dogmes précis devint le fondement principal de la religion nouvelle : d’où l’importance que Dante, poëte chrétien, dut attacher à ces dogmes rigoureux, à cette foi nécessaire. Aujourd’hui que les esprits, entrevoyant d’autres conceptions obscures encore, mais vers lesquelles un secret instinct les attire, se détachent d’un système qu’a usé le progrès de la pensée et de la science, il a cessé d’avoir pour eux l’intérêt qu’il avait pour les générations antérieures. Mais,