yeux, il lui annonce les rudes épreuves auxquelles mettra sa constance le peuple ingrat et méchant qui, à cause de son bien-faire, se fera son ennemi. Dante lui répond :
« Si exaucée eût été ma demande, vous ne seriez point encore banni de la vie humaine.
« Car dans ma mémoire est gravée, et mon cœur conserve votre chère et bonne et paternelle image, alors que, dans le monde, souvent
« Vous m’enseigniez comment l’homme s’éternise ; et combien j’en ai de gratitude, il convient que, pendant que je vis, ma langue le manifeste.
« Ce que de mes destins vous racontez, je l’écris et le réserve pour que l’interprète, avec un autre texte, une dame (Béatrice) qui le pourra si jusqu’à elle j’arrive.
« Sachez seulement ceci, que pourvu qu’aucun reproche ne me fasse ma conscience, quoi que veuille la fortune, je suis prêt. »
Cette reconnaissance du maître et du disciple, ces souvenirs d’une vie qui a fui à jamais, ce mutuel échange de vœux et de tendresses en un tel lieu, empruntent de ce lieu même je ne sais quel charme singulier de douceur et de tristesse. Et, à ce sujet, nous remarquons que Dante rarement montre les damnés en proie au désespoir, aux fureurs de la haine ; qu’il les représente, au contraire, liés encore aux vivants